Avec Birthe Lejeune, se sont éteintes 92 années d’une vie extraordinaire, la conduisant des rivages de la Baltique aux rives de la Seine, d’une enfance solitaire aux joies d’une famille nombreuse, du luthéranisme à la foi catholique.
La jolie jeune fille danoise à la lourde chevelure brune, installée à Paris après la guerre pour apprendre le français, s’est transformée en quelques années en une femme étonnante, aussi à l’aise dans son chalet nordique sans électricité que sous les ors des ambassades et des nonciatures, sous la coupole de l’Institut ou dans la chapelle privée du Saint-Père.
Toujours égale, marchant de son petit pas rapide et déterminé, profitant de chaque minute à l’air libre pour allumer une cigarette, elle s’adresse avec la même simplicité au Pape, aux cardinaux, aux ministres et professeurs de médecine, aux patients et à leurs familles, aux collaborateurs de Jérôme puis à ceux de la Fondation Lejeune.
Un contact rapide et efficace
D’un contact très direct, rapide et efficace, d’une immédiateté parfois déconcertante, prompte à couper une discussion de fond pour un problème d’intendance – toujours urgent – elle vous considère dès la première rencontre du cercle de ses intimes.
Pas de question indélicate, pas de familiarité – Birthe n’a d’ailleurs pas le temps de vous poser beaucoup de questions. Mais elle s’adresse à vous comme si elle vous connaissait depuis toujours, n’imaginant pas un instant que l’œuvre de son mari ne soit pas votre priorité. Elle vous dévoile secrets d’histoire et anecdotes émouvantes qui vous accrochent pour toujours. Mais ses manières directes s’accompagnent aussi d’une fine délicatesse. Elle sait écouter et comprend avec l’instinct du cœur jusqu’aux silences de ses interlocuteurs.
Ayant eu l’immense privilège de la côtoyer pendant vingt ans, j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’admirer ce don particulier qu’elle possédait d’apaiser, d’encourager et de se montrer proche de ses amis, y compris dans leurs moments de disgrâce. Elle était par nature constructive, tournée vers l’avenir et pour avancer légère, ne s’arrêtait pas aux difficultés ni ne comptait les blessures infligées. Dieu sait pourtant combien elle a pu souffrir des attitudes violentes et des trahisons que Jérôme dut supporter pour son engagement au service de la vie !
Force d’âme
Cette simplicité étonnante révèle une force d’âme que rien ne peut arrêter. Birthe a choisi de vivre et d’être heureuse, et ce bonheur passe par cet incroyable amour qu’elle partage avec Jérôme. Ainsi que pour l’œuvre à laquelle ils ont décidé, pendant leurs fiançailles, de vouer leur vie.
Nous sommes en avril 1952, le Professeur Turpin vient de confier au Docteur Lejeune le soin des enfants qu’on appelle alors mongoliens. Jérôme écrit à sa fiancée partie au Danemark pour préparer leur mariage : « Je suis persuadé qu’il y a quelque chose à trouver et qu’il est peut-être possible d’améliorer la vie de milliers d’êtres si nous arrivons à trouver pourquoi ils sont ainsi. C’est un but passionnant qui nous demandera de grands sacrifices, ma Chérie, mais si tu es d’accord pour accepter une vie assez précaire mais juste et saine, basée sur cet espoir-là, je suis sûr que nous y arriverons. (Je dis “nous” car c’est seulement si toi aussi tu marches, si tu m’aides, que j’arriverai à quelque chose.) » (25 avril 1952.) Six jours plus tard, Birthe dit « Oui » à Jérôme, et ce Fiat, renouvelé chaque jour jusqu’à sa mort, permettra à Jérôme de donner le meilleur de lui-même. Au-delà de l’extraordinaire amour qui liait Jérôme et Birthe, ce projet de vie scelle leur couple providentiel et donne à chacun des ailes.
Retrouvez l’intégralité du « Grand Angle » consacré à Birthe Lejeune dans le magazine.
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