La virtu et la fortune - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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La virtu et la fortune

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Le spectacle donné en ce moment sur la scène publique m’a fait penser à un aveu de Michel Rocard. L’ancien Premier ministre de François Mitterrand était depuis un certain temps retiré des responsabilités éminentes qui avaient été les siennes. Il semblait en garder un souvenir amer, soulignant comment son expérience personnelle avait été marquée par la violence. Certes, une telle violence s’exerce dans un cadre assez codifié. Celui d’un État de droit. Cela n’a rien à voir avec les pratiques d’un État totalitaire, où l’on craint chaque nuit d’être arrêté au petit matin par la police du régime. Il n’empêche : la compétition pour le pouvoir est impitoyable. Il faut être animé d’une volonté de fer pour parvenir au sommet de l’État. C’est pourquoi on compare parfois les dirigeants qui ont réussi à des fauves, tels François Mitterrand ou Jacques Chirac. Des fauves, rassurons-nous, qui peuvent être par ailleurs des hommes aimables et délicats.

On peut déduire de là une certaine conception de la vie et même de la nature humaine. Machiavel s’est fait l’interprète de cette conception. Pour ce théoricien à l’origine de la pensée politique moderne, mais en même temps héritier de tout le savoir antique, l’individu est d’abord un être de passions, travaillé par l’appétit de la gloire, de la richesse, et d’une façon générale de ses intérêts. C’est pourquoi, lorsqu’il fait de la virtu la qualité première du Prince, il n’entend nullement par là se référer à l’ordre des vertus chères à la morale. La virtu politique est d’une autre espèce que la vertu morale et c’est elle seule qui permet au Prince de courtiser la fortune, autre mot essentiel du vocabulaire machiavélien.

Ce que nous avons vécu avec l’affaire Fillon, et ce qui s’en suivra, a tout à voir avec cet univers du Florentin. Il ne faut pas être dupe, ou trop dupe, du déballage moral que l’on nous dispense généreusement. Car ce qui se déroule, c’est une bataille de fauves, où on verra finalement celui qui par sa virtu aura su vaincre l’hostilité et les obstacles qui s’acharnaient contre lui. On me dira, peut-être, scandalisé : comment ! Vous adoptez totalement la philosophie de Machiavel ? Sûrement pas, j’ai une toute autre conception de la politique. Mais je suis obligé de tenir compte d’une réalité qu’une certaine modification chrétienne se doit de transformer, sans jamais l’ignorer.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 février 2017.