Un film improbable est à l’affiche en France. Il détonne comme une coccinelle à Wall Street, incongru parmi les romances acidulées de fin d’été et les adaptations des bandes dessinées américaines avec leurs héros déguisés en araignée ou en chauve-souris. Il parle de la Sainte-Vierge, des apparitions, de la foi qui déplace les montagnes… Si un réalisateur français choisissait la grotte de Lourdes, la bénédiction des malades, l’émotion des lycéens dans la prairie de Massabielle, la réconciliation des familles dans le brasier des feux follets lors de la procession aux flambeaux, les producteurs feraient la moue. Mais avec la Vierge, les coptes et moi, l’attrait du merveilleux se conjugue avec le charme de l’Orient. Ils sont sympathiques, ces coptes accrochés à leur ferveur médiévale au milieu des musulmans, ces popes barbus qui vivent dans le désert en compagnie des fennecs et du Saint-Esprit, qui regardent passer les bus de touristes en direction des plages de la mer rouge ou des tombeaux pharaoniques.
L’aventure se passe au Caire. La ville la plus polluée du monde mériterait une palme à Cannes. Elle est une vedette dans la catégorie des décors plébiscités par les cinéastes, avec New York et Paris. Dans la Vierge, les coptes et moi, pas d’espion français, pas de momie lyophilisée, pas d’assassin dans les felouques, pas de poursuite dans les souks. La Vierge-Marie apparaît sur le dôme d’églises entourées d’ordure et de gravats. Elle se tait. Elle sourit. Les coptes et les musulmans la contemplent esbaudis et heureux. Un petit coin de ciel bleu dans un quotidien exténué. La mère de Namir Abdel Messeh lui rebat les oreilles avec ces apparitions. Il veut en avoir le cœur net. Il trimballe sa caméra à Imbaba. Mais il ne voit rien. La pellicule n’attrape que la poussière alors que les braves gens tirent leurs chaises en plastique pour contempler la Vierge Marie comme les touristes dans les musées de Rome admirent les madones. « Heureux celui qui croit sans avoir vu ! » Namir voudrait voir pour peut-être croire, alors qu’il faut croire pour voir. Les croyants ont l’avantage de faire surgir le merveilleux sur les immondices. On a besoin d’espoir pour survivre dans la mégapole tumultueuse.
A défaut d’embobiner la Sainte Vierge en technicolor, Namir filme les crédules, poursuit la légende urbaine dans les sacristies enfumées d’encens et à la terrasse des cafés où somnolent les chats et de gros messieurs moustachus qui tètent le narguilé. Il dessine avec humour et tendresse le portrait d’une communauté chrétienne sans cesse menacée, pauvre et fière.
Fin juin, Namir a projeté son film dans notre couvent dominicain du Caire. Pour cette avant-première, nous avions invité des amis coptes et des étudiants d’Al Azar. Les musulmans se sont passionnés pour le sujet. Que la Sainte Vierge apparaisse au Caire et que les Egyptiens occidentalisés ne puissent la voir relève de l’évidence. Les coptes ont été gênés par les traits dont le scénario les affuble. Ce qui nous les rend attachants leur fait honte : crédulité opiniâtre, paysannerie mal dégrossie, millénarisme tumultueux… Une fois encore, c’est la question du visage et de l’identité qui provoque les réactions les plus farouches. A fortiori quand la Sainte-Vierge est mêlée au débat. Le cardinal Congar notait finement que la théologie mariale touche au cœur de l’anthropologie. La Vierge-Marie est un signe du rapport intime qu’entretiennent Dieu et l’homme.
Lorsque j’étais aumônier d’étudiants à Dakar, je me souviens du succès des Evangélistes sur le campus. Une prédication tour à tour séduisante et menaçante, prompte à dénoncer les errements d’autrui, assure le succès auprès des foules de badauds, jeunes de surcroît. La critique du Vatican est un poncif qui ne prend guère de risque. Mais lorsque le prêcheur exalté en arrivait aux mensonges de l’Eglise catholique concernant la Vierge-Marie, les étudiants catholiques et musulmans se détournaient, dégoûtés. Tu peux critiquer la papauté qui a bon dos, mais ne touche pas à ma mère.
Je communie avec les Coptes du Caire et les Wolofs de Dakar : la Sainte Vierge sourit. L’image goguenarde ou la rhétorique belliqueuse ne sont pas de taille face à son silence persuasif. Il est plus précieux pour nous que tous les arguments raisonnables.
Ph. Verdin
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http://www.lacid.org/films-soutenus/la-vierge-les-coptes-et-moi
http://www.lacid.org/revues-de-presse/les-films/la-vierge-les-coptes-et-moi-de-2054
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/08/28/ton-film-c-est-de-la-m_1752335_3246.html
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/08/28/la-vierge-les-coptes-et-moi-la-madone-fait-son-cinema_1752334_3246.html
La presse unanime :
Le Point :
http://www.lepoint.fr/cinema/voir-la-vierge-et-mourir-29-08-2012-1500269_35.php
Libération :
http://next.liberation.fr/cinema/2012/08/28/l-egypte-en-cinema-copte_842429
Le Figaro
http://www.lefigaro.fr/cinema/2012/08/28/03002-20120828ARTFIG00542–la-vierge-les-coptes-et-moi-un-film-miraculeux.php
Télérama
http://www.telerama.fr/cinema/films/la-vierge-les-coptes-et-moi,435091.php
Africultures
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10939
La Croix
http://www.la-croix.com/Culture-Loisirs/Culture/Cinema/Il-revait-de-faire-apparaitre-la-Vierge-_EG_-2012-08-28-847034
Hollywood et les films inspirés de la Bible
http://www.lefigaro.fr/cinema/2012/08/28/03002-20120828ARTFIG00285-apres-2012-hollywood-s-en-remet-a-la-bible.php