La victoire de François Fillon, un succès catholique ? - France Catholique
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La victoire de François Fillon, un succès catholique ?

Délégué général d'Alliance Vita, cofondateur du Courant pour une écologie humaine, essayiste, Tugdual Derville nous donne son analyse de catholique engagé dans la cité sur la victoire de François Fillon à la primaire.
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Ce score impressionnant de François Fillon, est-ce une victoire des catholiques ? Tugdual Derville : Ce serait faire trop d’honneur à François Fillon, ou l’affubler de trop d’indignité, selon le sens donné au mot « catholique » : attractif pour les uns, repoussoir pour les autres. François Fillon est surtout entré en phase avec les aspirations populaires qu’il a perçues dans sa campagne de terrain. L’ancien Premier ministre, qui n’a rien du perdreau de l’année, a senti le retournement qui est en train de s’opérer sur l’identité de notre pays et sur ses racines. Il s’est autorisé à prendre le contre-pied du système politico-médiatique de la pensée unique. Il a réussi le tour de force de paraître comme un homme neuf, un antisystème. Par contraste avec ses deux principaux adversaires, son caractère à la fois paisible, ferme et rassurant a sans doute joué un rôle essentiel dans son final spectaculaire… Le croyez-vous capable de changer les choses selon ce que vous désirez ? L’avenir le dira. S’il parvient à son but, laissons à François Fillon la possibilité de se révéler dans cette fonction clé qui confère d’importants pouvoirs et une grande liberté. L’habit fait assez souvent le moine, contrairement à ce que dit l’adage. Que François Fillon ait l’envergure d’un homme d’État ne fait plus de doute… Mais je voudrais mettre en garde les catholiques qui seraient obnubilés par la quête du leader providentiel. On gâche beaucoup d’énergie à en discuter… On l’adore passivement quand on croit l‘avoir trouvé, avant d’en être déçu… Le large score de François Fillon, fédérant des courants d’influence contraires, nous incite à agir pour que l’éventuel futur président favorise le réveil anthropologique dont la France a besoin, celui qu’Alliance VITA définit sous l’appellation de biopolitique… Les « déconstructeurs » ont intensifié leur travail de sape depuis 2012. Remonter la pente réclame conscience et courage. Or, jusqu’ici, les gouvernements de droite ont, au mieux avalisé, au pire aggravé les lois sociétales de liquéfaction de la société… François Fillon donne-t-il les signes d’une résistance aux « déconstructeurs » ? Sur les questions « sociétales », François Fillon a pris des postures contrastées et contradictoires. Plutôt courageux sur la filiation, il est opposé à la GPA ou à la PMA homosexuelle. Mais il ne va pas au bout de cette logique, avec sa proposition d’une adoption simple pour deux personnes du même sexe, qui tente de concilier l’inconciliable… À peu près solide contre l’euthanasie, il s’est montré timoré sur l’avortement, affirmant qu’il y est « personnellement opposé » tout en revendiquant l’avoir soutenu, y compris dans les réformes dramatiques du quinquennat en cours visant à le banaliser. Qu’il suffise de remplacer le mot avortement par n’importe quel autre sujet de société où il est aussi question de justice pour les faibles, et l’on mesure l’incohérence… La logique libertaire a fait entrer l’avortement dans les sacro-saintes « valeurs de la République ». François Fillon y est inféodé. Le constater ne signifie pas qu’il soit incapable d’évoluer. Il faudra qu’il perçoive que les Français accueilleraient un discours volontariste de prévention concrète de l’IVG, drame que chaque femme aimerait éviter… Les commentateurs ont cependant, pour diverses raisons, pointé l’importance d’un vote catholique dans cette campagne, qu’en pensez-vous ? Les analyses des politologues, la plupart largement soumis à la pensée dominante, méritent d’être décryptées au travers de leurs intentions cachées. Cette idée d’un « vote catholique », souvent affublé d’une connotation péjorative, a largement été utilisée contre François Fillon, entre les deux tours de la primaire, pour sonner l’alerte. Comme si la France était soudain menacée par un « retour à l’ordre moral ». Or, ceux qui n’ont cessé, depuis plusieurs années, de brandir le catholicisme en épouvantail, découvrent que, pour beaucoup de Français, en ces temps de crise identitaire, il fait désormais figure de valeur refuge. La victoire de François Fillon serait plutôt une défaite de l’anticatholicisme. Il reste qu’agiter la peur d’une droite « morale » revenant sur les dérives éthiques qui se sont multipliées depuis des dizaines d’années est une chose… On attend toujours, sauf sur la filiation et sur les programmes scolaires d’histoire, le signe d’une contre-offensive « biopolitique » chez François Fillon. On ne peut tout de même pas nier le regain d’influence du catholicisme français ? L’influence du catholicisme révélée par ces primaires est à la fois moins forte directement, et plus profonde indirectement qu’on ne le dit souvent. Moins forte directement, parce que les catholiques vraiment convaincus sont aujourd’hui peu nombreux. Plus profonde indirectement, parce que ce sont les minorités conscientisées qui déclenchent les retournements culturels. À ce titre, les manifestations contre la loi Taubira n’ont pas seulement réveillé les catholiques qui sont sortis dans la rue, en entraînant d’autres Français. Par sa fougue résistante, l’immense mouvement social a ouvert les yeux d’une partie de la majorité silencieuse. Les deux vagues d’attentats de 2015, surtout la deuxième, ont ensuite réveillé, dans le cœur des Français, l’attachement à leurs racines. Seul, avec Jean-Frédéric Poisson, à prendre ouvertement fait et cause pour les chrétiens d’Orient, François Fillon s’est montré lucide et décomplexé sur ce sujet… Dans son entourage figurent un certain nombre de chrétiens convaincus. Comment expliquer cette influence renouvelée alors que la pratique religieuse a tant baissé ? « C’est quand je suis faible que je suis fort. » Constatons ce paradoxe : depuis deux siècles, jamais le catholicisme n’a été à ce point minoritaire dans notre pays. Mais jamais sans-doute n’a-t-il porté à ce point les espoirs de la France. Le martyre du père Hamel, au cours d’une messe de semaine quasi désertique le 26 juillet 2016 est emblématique de ce paradoxe. Elle a touché les Français « de marque chrétienne » bien au-delà des pratiquants. La réaction très digne des évêques et des chrétiens a estomaqué les pouvoirs publics et les journalistes. Et pendant ce temps, un renouveau de ferveur impressionnant anime la jeunesse catholique. Avec une sensibilité croissante à la vie de la cité, au bien commun, à l’engagement social, humanitaire et politique, beaucoup sont prêts à occuper des postes en prise directe avec la construction de la société. Ils ont dépassé la déploration passive de la déconstruction issue de Mai 68. Pour agir auprès des plus fragiles, ils sont de plus en plus à la barre de l’innovation sociale. C’est une promesse extraordinaire pour notre pays. Logiquement, c’est quand la société est devenue « liquide », atomisée, déstructurée par l’hédonisme individualiste, que les structures enracinées font preuve de fécondité. Les personnes qui fondent leur vie sur du solide – en l’occurrence un socle anthropologique altruiste et cohérent – sont influentes, et respectées. Dans tous les partis, les entreprises, les associations et de plus en plus dans les médias, de nombreux chrétiens sont désormais décomplexés. Ils se relient et s’épaulent. Ils participent au réveil de l’âme de la France.
Tugdual Derville,Le temps de l’homme, Plon, 320 pages, 17,90 e.