L’hebdomadaire Marianne s’est singularisé par son titre de couverture, samedi. « Les moines de Tibéhirine, comment les islamistes les ont tués. » Ce titre se justifie par un documentaire qui sera diffusé le 23 mai prochain sur France 3 et qui met fin à l’incertitude planant sur la responsabilité de cette tragédie, pourtant bien connue des Français. Tous se souviennent du film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, qui constitue un magnifique hommage à ces moines qui avaient voué leur existence à Dieu et à l’amour du peuple algérien. Non, ce n’est pas l’armée gouvernementale, comme le pensaient certains, qui est coupable du crime, mais bel et bien le Groupe islamique armé. Celui qui avait enlevé les religieux. Les réalisateurs du documentaire, Malik Aït Aoudia et Séverine Labat ont retrouvé les témoins directs, enregistré et filmé leurs propos. Ceux des assassins glacent le sang. Comment peut-on être aussi fanatisés et rendus insensés pour oser de telles horreurs ?
« Celui qui tue les moines, il sera proche de Dieu et tous avaient soif de meurtres ; il n’y en avait pas un qui ne voulait pas les égorger tous les sept. » Face à cette affirmation insupportable, Marianne rappelle la magnifique déclaration prémonitoire de Christian de Chergé : « S’il m’arrivait d’être victime du terrorisme, j’aimerais qu’on se souvienne que ma vie a été donnée à Dieu et à ce pays. » Justement, c’est pour rendre hommage à ces hommes de Dieu que Malik Aït Aoudia a voulu faire toute la vérité. Et cela n’a pas été une tâche facile. C’était même dangereux de mettre face à la caméra les acteurs, les terroristes d’hier ainsi que les survivants.
Dans un document qui ne doit pas ménager nos sensibilités, il doit y avoir quand même de beaux moments. N’apprend-on pas que le responsable terroriste était obligé de changer tout le temps les gardiens parce qu’ils étaient influencés par leurs prisonniers qu’ils voyaient prier ? Alors ils déposaient leurs armes. Il était sans aucun doute nécessaire que la pleine vérité sur Tibéhirine soit connue, pour que cessent les vaines spéculations et les accusations erronées. Les noms des égorgeurs sont même prononcés, ce qui met un terme au débat sur les responsabilités. Ce moment très pénible n’empêche pas, bien au contraire, que la mémoire des moines martyrisés ne plaide pour la paix des cœurs et la réconciliation.