La vérité, la réconciliation, et le respect, clef du succès pour Chypre - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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La vérité, la réconciliation, et le respect, clef du succès pour Chypre

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C’était à la cathédrale maronite Notre-Dame-des-Grâces de Nicosie, dimanche après-midi, au terme de la visite de trois jours Benoît XVI à Chypre (vendredi 4-dimanche 6 juin). Le cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, patriarche d’Antioche des Maronites, a prononcé la « « Prière du pardon » selon la liturgie syriaque, en présence de Benoît XVI. Un point d’orgue et une mission indiquée à toute la région. Le synode d’octobre prochain sera un synode sous le signe du pardon et de la réconciliation, du dialogue et de la communion.

Après Malte, le pape s’est arrêté à Chypre, dans son pèlerinage sur les pas de saint Paul, l’évangélisateur, et en marche vers le synode d’octobre prochain à Rome (10-24 octobre). Le pape a choisi Chypre parce que, concentré des conflits et des espérances du Moyen Orient, qu’elle peut être exemplaire pour les nations du bassin méditerranéen.

Cette visite à la cathédrale maronite, après la visite à l’école Saint-Maron, samedi, est ainsi hautement symbolique de la vocation des chrétiens non seulement dans l’île dont un tiers est occupé par les troupes d’Ankara depuis 1974, mais de tout ce Moyen Orient chrétien.

Le pape venait d’évoquer « la longue et riche – et parfois turbulente – histoire de la communauté maronite à Chypre  et les souffrances supportées par « fidélité à leur héritage chrétien » : « leur foi ait été éprouvée comme l’or au creuset ».

Mais aujourd’hui, la responsabilité n’est pas moindre, a souligné le pape : cette foi « a maintenant été remise entre vos mains, Maronites chypriotes d’aujourd’hui », « je vous encourage à conserver comme un trésor ce grand héritage, ce don précieux ».

La fécondité des vies offertes

C’est à tout le Moyen Orient que le pape a renouvelé cet appel, en remettant aux responsables des catholiques de la région, dimanche « l’Instrument de travail » du prochain synode. Un grand absent très présent dans la prière du pape et tous les esprits : Mgr Luigi Padovese, tué, jeudi, à Iskenderun. Il a été un des artisans du document, en tant que vicaire apostolique d’Anatolie et président de la conférence épiscopale turque. Son chauffeur de 26 ans, à son service depuis 4 ans, l’a poignardé, invoquant une « révélation ».

Qui contestera la fécondité de ces vies offertes, à la veille des derniers déplacements du pape, qui ont tous été un succès, alors qu’il avait été violemment attaqué dans la presse internationale ? Le cardinal Tomas Spidlik, qui s’est éteint le 16 avril, le jour même de l’anniversaire de Benoît XVI, avant la visite à Malte (17-18 avril), le cardinal Paul Augustin Mayer, le 30 avril, avant le pèlerinage à Turin (2 mai), le cardinal Luigi Poggi, le 4 mai, avant la visite au Portugal (11-14 mai). Le collège pourpre des cardinaux et le collège épiscopal ne participent-ils pas à la mission du Successeur de Pierre de façon mystérieuse et réelle ? Les martyrs du Moyen Orient ne participent-ils pas à la mission de l’Eglise de façon féconde, dans le Christ ? Le pape avait fait observer à l’angélus, à propos de la béatification du P. Jerzy Popielusko : « son ministère zélé et son martyre sont un signe éloquent de la victoire du bien sur le mal ». Et au moment de quitter Chypre, le pape a constaté que son voyage avait été « bref et fécond ».

Artisans de communion

Lors de sa visite à la cathédrale maronite, Benoît XVI a souligné un autre aspect de la vie des chrétiens du Moyen Orient : « L’édifice de cette cathédrale nous rappelle également une vérité spirituelle importante. Saint Pierre nous dit que nous, Chrétiens, nous sommes les pierres vivantes « qui servent à construire le Temple spirituel, et nous sommes le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus » (1 P 2, 4-5). Avec les chrétiens du monde entier, nous faisons partie du grand Temple qui est le Corps Mystique du Christ ».

Un Moyen Orient chrétien fait de cultures et de rites anciens et riche de spiritualité : « Notre culte spirituel, offert en une multitude de langues, en une multitude de lieux et à travers une belle variété de liturgies, est une expression de l’unique voix du Peuple de Dieu, uni dans la prière et dans l’action de grâce envers lui, et dans la communion permanente les uns avec les autres. Cette communion à laquelle nous tenons chèrement nous pousse à porter à tout le genre humain la Bonne Nouvelle accueillie dans notre vie nouvelle dans le Christ ».

Voilà le mot typique de la mission et de la catéchèse de Benoît XVI : la « communion », comme vocation, chrétienne et humaine. Qui s’enracine dans le Christ et les sacrements : c’était dimanche la fête du Saint-Sacrement. Une communion qui est déjà là et encore en marche, et dont le principal instrument est le dialogue sincère et authentique. Avec le judaïsme, avec l’islam, entre chrétiens, entre catholiques de rites et de cultures différentes, insiste l’Instrument de travail du synode. Pour créer la confiance. Pour construire la paix.

Une riche mosaïque de peuples
Benoît XVI a commencé son pèlerinage par parler de cette vocation aux autorités civiles et aux diplomates. Il a ensuite rencontré les autres confessions chrétiennes. L’archevêque orthodoxe de tout Chypre, Chrysostomos II a appelé à l’aide pour sauver le patrimoine chrétien de la partie occupée de l’île, en proie à tous les trafics : 500 églises ont été saccagées. Le lendemain, il a reçu le pape longuement. Les rencontres avec la minorité catholique ont été chaleureuses : messe de vendredi près de la colonne de Paul à Paphos, rencontre à l’école Saint-Maron, messe de la Sainte-Croix – la croix, au cœur de ce voyage -, messe de dimanche au palais des sports de Nicosie où tout le Moyen Orient catholique a conflué.

Mais la meilleure synthèse de cette visite, le pape l’a lui-même proposée en quittant l’aéroport de Larnaka où il a appelé à travailler pour la résolution des conflits : « En quittant vos rivages, comme beaucoup de pèlerins avant moi, il m’est venu à l’esprit, une fois encore, combien la Méditerranée est composée d’une riche mosaïque de peuples ayant leurs propres cultures et leur beauté, leur cordialité et leur humanité. En même temps et en dépit de cette réalité, l’Orient méditerranéen n’est pas épargné par les conflits et le sang qui coule, comme nous en avons été témoins tragiquement ces jours derniers. Redoublons nos efforts pour construire une paix réelle et durable pour tous les peuples de la région ».

Aider les peuples à se comprendre
Le pape s’est réjoui de cette « première rencontre », « sur son propre sol », de la communauté catholique chypriote avec le Successeur de Pierre : Jean-Paul II lui-même ne l’avait pas visitée, bien qu’il ait fait plusieurs fois le tour du monde. Or, pour Benoît XVI, Chypre « peut jouer un rôle particulier dans la promotion du dialogue et de la coopération ».

Il voit en elle comme une passerelle entre Orient et Occident, et il aime ces lieux de passage qui peuvent être des creusets de concorde. Il y voit une espérance et une mission de l’île dont la Méditerranée a tant besoin: « En oeuvrant patiemment pour la paix sur votre sol et pour la prospérité de vos voisins, vous serez alors bien placés pour écouter et comprendre tous les aspects des nombreuses questions dans leur complexité, afin d’aider les peuples à atteindre une plus grande compréhension mutuelle ».

Dans les pas d’Athénagoras et de Paul VI

Au moment de repartir, Benoît XVI souligne l’intérêt de la « communauté internationale » et dit sa satisfaction pour « tous les efforts effectués en faveur de la paix ». Il dit sa « gratitude » pour ses « rencontres avec les responsables des autres églises chrétiennes, en particulier avec Sa Béatitude Chrysostomos II et avec les autres représentants de l’Église de Chypre » : il se réjouit de leur « accueil fraternel ».

Plus encore, il inscrit sa visite dans « le parcours commencé avant nous à Jérusalem, par l’accolade entre le regretté Patriarche Athenagoras et mon vénéré Prédécesseur le Pape Paul VI ». Ses expressions revêtent une force particulière: « Ces premiers pas prophétiques nous indiquent le chemin que nous devons aussi emprunter. Nous sommes appelés par Dieu à être frères, en marchant côte à côte dans la foi, humblement devant le Dieu tout-puissant, unis par des liens indestructibles d’affection les uns pour les autres ».

La tâche de ces grands phares du dialogue de l’Eglise et de l’Orthodoxie est maintenant une mission pour tous: « J’invite mes frères chrétiens à poursuivre cette marche, j’aimerais les assurer que l’Église Catholique, avec la grâce de Dieu, poursuivra elle-même la recherche de l’unité parfaite dans la charité, à travers une valorisation toujours plus profonde de ce que les Catholiques et les Orthodoxes ont de plus cher ».

Dans l’avion de Rome à Chypre, le pape a souligné que le meurtre de Mgr Padovese n’était pas politique ni religieux et ne freinerait pas le dialogue avec l’islam. Il redit, à son départ, ce vœu que « les Chrétiens et les Musulmans deviennent un levain pour la paix et pour la réconciliation parmi les Chypriotes, et servent ainsi d’exemple pour les autres pays ».

Ce sera une des tâches examinées au synode, à l’école de Vatican II : « Le dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire à un choix passager. C’est en effet une nécessité vitale, dont dépend en grande partie notre avenir », dit l’Instrument de travail.

Un chef spirituel soufi de 88 ans, le cheikh Nazim, de Larnaka, résidant dans le Nord e l’île a voulu rencontrer le pape. Assis sur une chaise, il l’a attendu, samedi, sur la route de l’église de la Sainte-Croix, non llin de la nonciature, dans le no man’s land sous contrôle des casques bleus. « Excusez-moi mais je suis vieux », a dit le religieux. « Je suis vieux moi aussi », lui a répondu le pape. Le père Lombardi a ensuite précisé qu’il avait rencontré Jean Paul II lors d’une célébration interreligieuse.

Pour le dialogue avec le judaïsme, il dit sa condamnation de l’antisémitisme et l’acquis de Vatican II, « point de référence fondamental ». Le dialogue avec les juifs est défini comme « essentiel bien que difficile » parce qu’il souffre du conflit israélo-palestinien.

Enfin, pour la situation de l’île, le pape encourage le travail du président Dimitris Christofias : « Vos tâches les plus importantes figure la recherche de la paix et de la sécurité pour tous les Chypriotes ».

Il indique la voie de la paix dans la vérité, et la patience: « La vérité et la réconciliation, ainsi que le respect, sont les fondations les plus sûres pour un avenir pacifique de cette île, et pour la stabilité et la prospérité de tout votre peuple. Au cours de ces dernières années, beaucoup de bien a été accompli dans ce sens à travers un dialogue substantiel, cependant beaucoup encore demeure à faire pour surmonter les divisions. Qu’il me soit permis de vous encourager, ainsi que vos concitoyens, à travailler patiemment à l’édification d’un avenir meilleur ».

Un diplomate du Vatican a un jour parlé de ce « martyre » de la patience.