Les spécialistes du droit canon sont fascinés par la Samaritaine au puits. Au moment où nous entendons parler de ses cinq maris et de son concubin, nous commençons à nous demander comment son cas pourrait être présenté devant le tribunal aux affaires matrimoniales. Mais la partie la plus instructive de l’histoire, c’est la façon dont Jésus s’adresse à elle : Il est bon, respectueux, mais Il ne craint pas de lui dire la vérité.
Ces derniers mois, un dialogue ecclésial à propos de pastorale a été interprété par les médias comme si c’était le prélude à une scission doctrinale monumentale à la tête de l’Eglise. C’était à propos de la réception de la Sainte Communion par les divorcés remariés sans déclaration de nullité du premier mariage.
Bien sûr, les responsables ecclésiastiques savent que le second, troisième ou quatrième mariage non précédés d’une annulation sont présumés invalides, qu’un premier mariage est présumé valide jusqu’à preuve contraire. Cela fait partie de la base de la théologie sacramentelle catholique, et peut difficilement donner matière à controverse.
Ce qui est sujet à controverse, c’est la façon de prendre soin des divorcés remariés : comment inviter ceux qui vivent conjugalement, mais hors liens du mariage, à la communion de l’Eglise. Une question de pastorale s’il en est. Et elle n’a pas besoin de devenir source d’ambiguïté ou de division.
Comme toutes les questions pastorales, elle trouve sa solution dans la façon d’agir de Jésus lui-même. Comme auprès du puits samaritain, la solution pastorale pour les divorcés remariés implique quelque chose de très simple: dire la vérité.
Jésus Christ désire que nous Le recevions tous à la table eucharistique. Son Sang a été versé, Son Corps a été transpercé et crucifié, comme une invitation universelle à participer à l’Eucharistie et à la vie divine du Christ. Ce qui est requis c’est un engagement héroïque à pratiquer la vertu et la fidélité de la vie chrétienne.
Les divorcés remariés peuvent-ils être invités à l’Eucharistie ? Oui. Mais comme chacun d’entre nous, pour recevoir l’Eucharistie en toute honnêteté, ils doivent vivre héroïquement en accord avec la vérité.
L’Eglise a toujours enseigné que vivre une relation sexuelle en dehors d’un mariage valide est un empêchement à la Sainte Communion. Elle continue de l’enseigner. Et quand les divorcés remariés se présentent à leurs pasteurs, alors elle doit dire la vérité. Mais ce n’est jamais une solution pastorale adéquate que de dire simplement aux divorcés remariés de s’abstenir de la Sainte Communion, de rester à leur banc et de maintenir le statu quo.
La solution pastorale est d’inviter les hommes et les femmes à une sorte d’héroïque conversion. En 1994, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a expliqué que les divorcés remariés pouvaient recevoir l’Eucharistie s’ils « prenaient la résolution de vivre une continence complète, c’est-à-dire en s’abstenant des actes conjugaux ».
Dans des circonstances ordinaires, de tels couples devraient se séparer physiquement. Mais l’Eglise reconnaît que la séparation peut être impossible : les couples peuvent avoir des enfants à élever ensemble, ou être dépendant financièrement l’un de l’autre, ou l’un prend soin de l’autre qui est malade. La séparation pourrait être idéale, mais ce qui est nécessaire, c’est l’engagement à vivre dans la continence, à vivre en accord avec la vérité.
La question du scandale est une question sérieuse. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi dit que les couples vivant la continence » doivent éviter d’être sujets de scandale ». Le catéchisme explique que le scandale « est une attitude ou un comportement qui entraîne quelqu’un à faire le mal ». Pour garder les autres du scandale, ceux qui vivent la continence devraient prendre soin de ne pas laisser croire que leur relation est inappropriée – si l’invalidité de leur mariage n’est pas connue, qu’elle le reste. Si l’invalidité de leur mariage est de notoriété publique, ils doivent parler franc de leur choix de vivre en accord avec la vérité. Un torrent de franchise peut désamorcer le scandale.
Chacun d’entre nous est invité à la table eucharistique. Il nous faut simplement nous repentir et nous engager à la sainteté. Trop souvent la solution pastorale est perçue comme une solution d’abandon, de laisser-aller. Trop souvent, les pasteurs et les ministres des tribunaux ecclésiastiques hésitent à appeler les divorcés remariés à la conversion. Nous craignons que la continence semble trop dure, trop inflexible. Nous craignons que la vérité soit hostile à une relation pastorale.
Mais la vérité est toujours pastorale. Appeler les chrétiens à renoncer à leur confort, à relever le défi, c’est évangélique. Parler de la continence est pénible. Mais comme l’a dit le pape Benoît XVI, aucun de nous n’est « fait pour le confort.[Nous] sommes faits pour la grandeur ».
Près du puits de Samarie, Jésus-Christ a agi en pasteur. Il a invité la Samaritaine au repentir et à une vie héroïque. Il l’a invitée à quitter son péché pour la sainteté. Que l’Eglise,aujourd’hui, invite les hommes et les femmes à la grandeur, à la vertu et à la communion avec Jésus-Christ, elle aura trouvé la « solution pastorale ».
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-truth-is-always-pastoral.html
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J.D. Flynn est un spécialiste du Droit canon qui vit et travaille à Linscoln, dans le Nébraska.
Illustration : le Christ et la femme de Samarie, par George Richmond, en 1828.
Pour aller plus loin :
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Pourquoi le “relâchement de la pratique pastorale” est une mauvaise idée.
- La vérité est réelle, pas rigide
- Réflexion sur « Amoris Laetitia »
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