La vérité est rarement sans danger - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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La vérité est rarement sans danger

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L’Université Emory permet à ses étudiants d’écrire dans ses couloirs des messages à la craie. A Baylor où j’enseigne, comme dans la plupart des endroits, écrire à la craie est utilisé le plus souvent pour inviter à un événement particulier (par ex. « Association catholique des étudiants Conférence @6h30 le 2/1 »). Parfois on l’utilise pour exprimer des propos politiques, comme cela s’est passé sur le campus d’Emory il y a une semaine quand quelqu’un a tracé à la craie en grosses lettres plusieurs phrases dont « Trump 2016 », « Votez Trump », et « Acceptez l’inévitable ». 40 à 50 étudiants d’Emory ont été apparemment si affolés par la vue de ces inscriptions à la craie qu’ils ont protesté publiquement contre l’existence même des graffiti. A cause des positions brutales de M.Trump sur l’immigration, spécialement sur l’immigration musulmane, beaucoup d’étudiants ont déclaré que les inscriptions à la craie avaient pour but de diviser et étaient donc contraires à l’esprit d’ouverture et d’intégration auquel aspire Emory. Selon un compte rendu du Washington Post, les étudiants protestataires criaient : « Vous n’écoutez pas ! Venez nous parler, nous souffrons ! » Le journal étudiant The Emory Wheel rapporte le propos d’une étudiante disant que « sa première réaction devant l’inscription a été la peur. » Mais elle remarque : « Je me suis dit que c’était une blague, et que la personne responsable était probablement en train de rire dans sa chambre. Je me suis dit qu’Emory allait faire quelque chose à ce sujet. » Bien que je partage assurément le rejet des étudiants pour la politique de M.Trump – comme je l’ai noté ici et ailleurs – l’étalage de leur indignation émotionnelle et le langage qu’ils ont employé pour le diffuser, sont nuisibles pour le but principal d’une université : la poursuite de la vérité. Et ce qui est plus important, un tel étalage ignore une simple idée chrétienne et humaine : la vérité, dans ce monde, est difficilement « sans risque ». Car le recours à l’indignation change la question qui devrait être examinée par les membres de la communauté académique – les raisons de la fausseté ou de la justesse des vues de M.Trump et la qualité de son personnage. Au lieu de cela, le recours à « l’indignation » exacerbe un aspect de notre commune nature qui souvent entrave notre capacité à penser clairement et prudemment si elle n’est pas tenue en laisse par nos facultés rationnelles : nos appétits concupiscibles et irascibles (saint Thomas). Malheureusement, le président d’Emory, James Wagner, n’a pas cherché à remettre ces appétits à leur place en montrant à ses étudiants comment les passions, qui en elles-mêmes ne sont pas mauvaises, doivent être soumises et réglées par la raison pour avoir une assez bonne chance d’atteindre la vérité. On cherche en vain dans ses commentaires la poursuite de la vérité. Le Président Wagner affirme :
« Pendant notre conversation, les étudiants protestataires ont formulé leur inquiétude et tristesse sincère face à l’intimidation qu’ils ont perçue. Après avoir rencontré nos étudiants, je ne peux attribuer simplement l’expression de leurs sentiments d’inquiétude à une préférence politique ou une excessive sensibilité. Au contraire, les étudiants avec lesquels j’ai parlé ont entendu un message, non sur une démarche politique ou le choix d’un candidat, mais au contraire sur des valeurs concernant la diversité et le respect qui sont incompatibles avec celles propres à Emory. »
De plus, le président Wagner affirme qu’« en tant que communauté académique, nous devons valoriser et encourager l’expression d’idées, débats vigoureux, interventions, désaccords et de protestations » mais il dit dans la phrase suivante :
« En même temps, notre engagement dans le respect, la civilité et l’intégration nous invite à procurer un environnement sans risque qui inspire et soutienne la recherche courageuse. »
Mais il y a ici un problème : un environnement « sans risque » n’inspire pas le courage, sans parler d’une expression d’idées, de débat vigoureux, d’interventions, de désaccords et de protestations », à moins que ces choses ne se trouvent compatibles avec l’orthodoxie qui prévaut dans le campus. Comme nous le savons par expérience, l’institutionnalisation d’espaces sans risques finit par récompenser le conformisme idéologique tout en donnant le pouvoir aux membres les plus actifs et les plus bruyants de la communauté du campus pour marginaliser et humilier ceux dont ils pensent qu’ils sont responsables de « l’intimidation qu’ils ont perçue ». Ce qui en résulte, paradoxalement, c’est un environnement apparemment « sans risque » seulement pour ceux qui à la fois sont conformes à l’hégémonie socio-politique du campus et désirent être à l’abri d’affrontement avec des idées qui les font se sentir mal à l’aise. Mais « avec risque » pour ceux qui croient que le but principal de la communauté académique est la recherche de la vérité. Car parfois cette recherche conduit certains membres de la communauté académique à embrasser et à défendre des croyances qui «  se heurtent » à l’hégémonie sociopolitique de leur école. Je dis « apparemment sans risque » parce que, quand vous y pensez, les avocats des espaces sans risque se font en réalité du mal à eux-mêmes. Je vous en donne un exemple. Il y a deux ans, un jeune homme afro-américain de l’Université du Nord-Ouest refusa d’exécuter un morceau de musique chorale prévu par son professeur. La raison ? Le morceau était basé sur la poésie de Walt Whitman qui fut sans aucun doute un raciste. Voici ce que j’ai publié en ligne en réponse à l’étudiant :
« Vous ne vous faites pas de bien à vous-même en ne voyant pas la grandeur, même chez des gens qui ont soutenu des idées peu recommandables. Regarder Walt Whitman et ne voir en lui qu’un raciste est précisément ce qui fait le défaut du racisme : vous ne voyez pas la personne entière – dans toutes ses complexités, vertus et faiblesses – vous ne voyez que la race. En faisant cela vous aplatissez artificiellement la personne, et ainsi littéralement vous vous mentez à vous-même, car vous refusez intentionnellement la vérité qui est qu’un grand homme peut avoir en lui à la fois grandeur et vice. Si vous voulez être meilleur que Whitman, débarrassez-vous des habitudes mentales qui ont produit en lui les croyances que vous trouvez maintenant scandaleuses. La capacité de séparer le blé de l’ivraie est un signe de maturité intellectuelle. Aussi, rejeter le blé parce que vous ne pouvez supporter l’ivraie ne punit pas M. Whitman ; cela vous punit vous. »
C’est pourquoi la poursuite de la vérité fleurit raremant dans des espaces « sans risque » Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/03/31/the-truth-is-rarely-safe/