La vérité, dans son propre intérêt - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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La vérité, dans son propre intérêt

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Comme vieil homme ayant été catholique tout au long de sa vie, je suis (de façon légitime, je pense) attristé en ce moment en raison de l’état de l’Eglise Catholique, spécialement en Amérique. Les facteurs qui me démoralisent le plus sont ces deux-ci : (a) nos nombreux évêques notoirement incompétents et (b) nos nombreux prêtres homosexuels et leur « mafia lavande ». Me basant sur mon étude de l’histoire de l’Eglise, cependant, je suis relativement confiant que l’Eglise finira par se rétablir de cet horrible déclin.Mais le rétablissement ne viendra probablement pas avant longtemps, et vu mon âge, il est quasi certain que cela n’arrivera pas pendant que je serai encore sur terre pour le voir. Je mourrai malheureux.

Je cherche des consolations. L’une d’entre elles est que l’équipe de foot de Notre-Dame – qui est l’équipe officielle universitaire du catholicisme (du moins c’est ainsi que mon père, catholique fervent n’étant jamais allé à l’université, la considérait quand j’étais enfant) – fait une excellente saison. Je le prends comme le signe que Dieu n’a pas abandonné son Eglise. Je ne vais pas jusqu’à penser que Dieu va permettre à Notre-Dame de battre l’Alabama au championnat national, car cela décevrait beaucoup de bons protestants évangéliques d’Alabama, et autant que je puisse le voir, les évangéliques d’Alabama, malgré leurs déficiences doctrinales, ont été ces derniers temps des chrétiens bien plus fidèles que les catholiques des états du nord et de l’ouest.

Je me console également avec la pensée que les enseignements officiels de l’Eglise, en dépit des souhaits apparents de certains évêques allemands, demeurent fidèles aux enseignements des Apôtres, des Pères de l’Eglise et des docteurs de l’Eglise. Le Credo de Nicée n’a pas été ouvertement répudié.

Et je me console tout spécialement avec la pensée que la théologie de l’Eglise a porté depuis des années un parfum fortement aristotélicien. Cela est bien sûr particulièrement vrai de la théologie de Thomas d’Aquin (1225-1274).

L’un des grands défauts de l’époque moderne est que nous (par « nous » j’entends le monde moderne en général) avons répudié l’aristotélisme, par dessus tout le concept aristotélicien d’esprit (ou intelligence ou raison – comme il vous plaira de l’appeler). Nous l’avons remplacé par ce que l’on pourrait appeler, je suppose, le concept utilitaire d’intelligence.

Selon Aristote (384-322 av. JC), la plus haute fonction de l’intelligence, sa raison d’être, est de connaître la vérité. « Tous les hommes, par nature, veulent savoir » a-t-il dit dans sa phrase d’introduction de sa Métaphysique. Selon le concept utilitaire moderne, l’intelligence est un outil pour faire ou créer. Aristote soutenait que le savoir est une fin en soi. Nous les modernes soutenons que le savoir est un moyen pour une fin ultérieure, une fin qui a plus de valeur que le savoir lui-même.

L’opinion moderne a peut-être le mieux été résumée par Karl Marx (1818-1883) quand il a dit dans sa onzième thèse sur Feuerbach : « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières ; cependant le but est de le changer ». Aux Etats-Unis, le penseur qui a fait le plus pour expliquer et défendre cette vision moderne de l’intelligence était John Dewey (1859-1952) dans sa philosophie de l’instrumentalisme.

Pour Aristote, l’esprit et l’univers ont été créés l’un pour l’autre. L’esprit est une faculté qui a la potentialité de comprendre l’univers, et l’univers est une entité (ou un système d’entités) qui a la potentialité d’être comprise par l’esprit. L’esprit atteint son accomplissement en comprenant une réalité qui lui est extérieure, et l’univers atteint son accomplissement et étant compris par l’esprit. Le mariage des deux est l’objectif ultime de la réalité.

Il n’en est pas ainsi pour nous les modernes. Pour nous, l’intelligence est un outil utile. Et cela a été un outil merveilleux. Il ne nous a pas seulement rendus capables de survivre en tant qu’espèce, comme Charles Darwin (1809-1892) l’a fait remarquer ; mais dans les quelques siècles qui nous précèdent, dans sa fonction d’outil, l’intelligence a fait des choses renversantes, quasi divines. Notre technique basée sur la science a transformé le monde d’un million de manières, la plupart d’entre elles (mais pas toutes) réellement bénéfiques. Ces transformations ont pris place non seulement directement dans les domaines évidents (la médecine, les transports, les communications) mais indirectement dans les domaines sociaux (l’économie, la politique, la psychologie, l’égalité sociale, les relations sexuelles).

Cette idée moderne que le savoir devrait être poursuivi, non pour lui-même mais dans l’intérêt de bonnes choses au-delà du savoir, a même bénéficié à la recherche du savoir. Dans les jours anciens d’avant l’ère moderne, la science était une distraction pour des gens extrêmement intelligents qui n’avaient pas besoin de travailler pour gagner leur vie, des gens comme Aristote, Thomas d’Aquin, Galilée et Newton. Les gens ordinaires ne faisaient pas attention si des gens super-intelligents se distrayaient de cette manière. Nous étions tolérants envers les scientifiques inoffensifs. Mais un jour nous avons pris conscience que les scientifiques faisaient des découvertes qui permettaient aux ingénieurs de créer des choses utiles et plaisantes, nous avons décidé de consacrer beaucoup d’argent à la science, de l’argent philanthropique privé et de l’argent d’imposition public – cela afin de multiplier le nombre de scientifiques et le nombre de découvertes utiles.

Mais si je suis quelqu’un qui ne croit pas que la vérité a de la valeur en elle-même, alors il est assez logique pour moi de conclure que les mensonges sont permis pourvus qu’ils semblent susceptibles de produire des résultats bénéfiques. La Russie soviétique et l’Allemagne nazie ont été les exemples les plus frappants de cette sorte de mensonge « utilitaire ».

Nous, Américains, n’avons pas été immunisés. La politique, c’est évident, a toujours regorgé de mensonges, mais j’ai l’impression que cela empire. Je me trompe peut-être ; j’espère me tromper. Mais où que je me tourne en politique nationale, peu importe le parti que je considère, il me semble voir la malhonnêteté avoir libre cours.

C’est une des raisons pour lesquelles j’espère que le catholicisme se remettra rapidement de sa corruption actuelle – afin que le monde soit de nouveau sûr au moins pour quelques Aristotéliciens, des gens qui croient en la vérité pour elle-même.

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David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

Illustration : « Aristote avec un buste d’Homère » par Rembrandt, 1653 [Le Met, New York] « Aristote porte un médaillon (à peine visible) avec le portrait de son puissant élève, Alexandre le Grand ; peut-être le philosophe pèse-t-il son propre succès mondain en regard de la réussite intemporelle de Homère » nous dit le catalogue de l’exposition.

Source :https://www.thecatholicthing.org/2018/11/16/truth-for-its-own-sake/