La valeur du travail - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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La valeur du travail

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« Frères et sœurs, puisque vous adhérez à la foi au Christ, ne montrez pas de partialité entre vous. Car si un homme avec des bagues en or et des vêtements rutilants arrive dans votre assemblée, et qu’il arrive en même temps un pauvre aux vêtements élimés, vous vous préoccupez de celui qui porte des habits rutilants et vous lui dites « installe-toi là je t’en prie » tandis que vous dites au pauvre « reste debout » ou bien « assieds-toi à mes pieds ». N’est-ce pas faire des différences entre vous et vous faire juges selon de mauvais motifs ? » (Jacques 2:1-4)

La semaine passée a vu sur internet l’humiliation de l’ancien acteur de « Cosby show » Geoffrey Owens. On a mis en ligne des photos de Owens, qui jouait le beau-fils de Cosby dans la série, le montrant emballant des marchandises dans l’épicerie Trader Joe’s où il travaille actuellement. Quand les photos sont devenues virales, il a reçu un déluge de commentaires dévalorisants.

Mais d’autres ont écrit pour le soutenir. L’ancien athlète (de la ligue de football) Terry Crews devenu acteur a tweeté : « j’ai lavé par terre après la National Football League. Je le referai si nécessaire. Il n’y a pas à rougir d’un travail honnête. »

Les premières réactions aux photos suggèrent cependant que beaucoup de gens jugent la valeur d’un travail à sa rémunération. Dans cette optique, une pute de luxe vaut plus qu’une femme de chambre.

Dans « Laborem exercens », son encyclique sur le travail, le pape Jean-Paul II critique le point de vue, commun dans l’ancien monde, qui voyait le travail physique comme indigne d’un homme libre et par là même réservé aux esclaves. Le christianisme a apporté un changement radical dans cette vision des choses parce que le Christ, Dieu Incarné « a consacré la plus grande partie de sa vie sur terre à pratiquer le travail manuel à son établi de charpentier. »

« Un tel concept est pratiquement venu à bout des bases mêmes de l’ancienne différenciation des gens en classes selon le type de travail effectué » écrit le pape. « En dernière analyse, c’est toujours l’homme qui est la raison d’être du travail, quel que soit le travail effectué par l’homme – même si dans l’échelle habituelle des valeurs il est côté comme le ‘service’ le plus minime, comme le travail le plus monotone et le plus aliénant. »

On aurait pu espérer que les catholiques se distingueraient en embrassant cette vision de la noblesse d’un travail bien fait et honnête. Mais je m’interroge. Combien de parents catholiques sont fiers quand leurs enfants prennent un travail peu rémunérateur ? Combien souhaiteraient pouvoir se vanter que leur fils ou leur fille est un cadre surpayé plutôt qu’un professeur dans un lycée catholique ?

Durant mon enfance et mon adolescence, les catholiques étaient associés aux cols bleus. Maintenant il semble que beaucoup prisent les emplois dans les sièges sociaux d’entreprises tout autant que le faisait mon protestant bon teint de père.

Combien de parents catholiques sont tout autant désireux que les autres parents d’envoyer leurs enfants à Harvard ou Yale plutôt que dans un établissement catholique parce qu’ils sont tout aussi désireux que les autres parents de voir leurs enfants « réussir » selon les critères habituels de succès financier et de rang social ?

Ma proposition serait que toute université catholique requière de ses étudiants qu’ils maîtrisent une compétence du type maçonnerie ou plomberie, non pas que les étudiants dussent tous devenir maçon ou plombier, mais parce qu’ils tireraient bénéfice de travailler sur des matières tangibles plutôt que de déplacer des images dans une réalité « virtuelle ».

A côté de cela, les maçons et les plombiers sont des citoyens dans cette démocratie, et ils méritent de bénéficier d’un enseignement catholique en lettres, sciences sociales et humaines qui respecte leur vocation. Comment les catholiques ont-ils laissé les protestants blancs les convaincre que le but d’un enseignement en lettres, sciences sociales et humaines est de préparer les gens à des carrières de cadres d’entreprises ?

Hier, en compagnie de ma femme, je me suis arrêté dans notre cordonnerie locale. L’homme qui la tient, non seulement excelle dans son travail, mais est également un chef d’entreprise honnête. Il peut réparer à peu près n’importe quoi, y compris les sacs à main et les courroies en cuir et il va vous dire franchement si le résultat en vaudra la peine. Cet homme procure une vraie valeur.

On peut en dire autant de notre mécanicien automobile. Les avocats coûteux qui conseillent mon université semblent donner beaucoup de mauvaises recommandations, mais un mécanicien honnête et capable est une bénédiction du ciel. Mon garagiste est capable de tout réparer, mais en plus il le fait honnêtement. Ma première rencontre avec lui s’est faite parce que mes essuie-glaces se sont détraqués. Les autres garages voulaient changer tout le mécanisme, pour une facture dépassant les 400 dollars. Jim l’a démonté et a dit : « voilà le problème, c’est cette bague cassée. » « Combien ? » ai-je demandé. « Si je peux m’en procurer une, probablement un dollar cinquante. » Plus tard, cet homme a réparé ma vieille voiture délabrée la veille de mon mariage. C’est mon héro.

Il y a un homme qui effectue les petites réparations chez moi. Je suis toujours épaté par tout ce qu’il est capable de faire. Il n’a pas de prix. Non seulement il nous a fait économiser des centaines de dollars de réparations, mais il a probablement sauvé la maison plus d’une fois. Lui aussi est mon héro.

Un écrivain catholique a exprimé récemment sa préoccupation quant à l’avenir du travail, disant que : « certains experts prédisent même qu’il ne se passera pas beaucoup de temps avant que tout le travail ne soit effectué par une petite élite détentrice de la connaissance assistée de machines géniales. » Ces experts sont-ils du même calibre que ceux qui prédisaient autrefois qu’à l’époque actuelle nous serions tous morts de faim suite à une explosion démographique et que nous serions remplacés par des ordinateurs intelligents ?

Ne croyez pas cela. Il y a des métiers qui ne peuvent tout simplement pas être délocalisés au-delà des mers ou confiés à des robots. L’un d’eux est prendre soin de votre bébé. Un autre construire un mur de briques. Un troisième réparer votre plomberie. Un quatrième câbler une prise de courant dans votre maison. Un cinquième faire votre lit dans votre chambre d’hôtel. Vous pouvez remplacer tous les dirigeants avant de trouver le moyen de remplacer les gens qui ont ces emplois-là.

Considérez tous les gens qui exercent ces professions – des professions qui apportent réellement quelque chose aux gens, qui améliorent leur vie – et soyez reconnaissants.

Des gens disent « soyez semblables au Christ ». Parfait. Il a commencé comme charpentier. Commençons à la maison. Ou mieux encore sur notre lieu de travail.


Randall B. Smith est professeur de théologie à l’université Saint-Thomas de Houston.

Illustration : « L’atelier du charpentier à Nazareth » par un artiste bolivien inconnu de la fin du 18e siècle [musée de Brooklyn]

source : https://www.thecatholicthing.org/2018/09/15/the-worthiness-of-work/