Claude Guéant, notre ministre de l’Intérieur, provoque à nouveau la polémique en affirmant que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Prononcés samedi à l’Assemblée nationale devant des membres de l’UNI, un syndicat d’étudiants de droite, ces propos ont suscité de vives répliques de la part de toute la gauche vent debout. Je remarque que c’est en vertu de valeurs universelles que Claude Guéant a posé le problème. Son point de vue n’est donc pas différentialiste, au sens où un Samuel Huntington l’entend, pour nous décrire le choc des civilisations. Les valeurs universelles sont liées à l’homme dans sa plus grande généralité, au-delà de toutes ses appartenances singulières.
Il est vrai par ailleurs qu’une approche différentialiste peut aussi accorder le privilège de valeurs universelles à une civilisation particulière, infériorisant du même coup les autres civilisations. L’hypothèse n’est pas gratuite, car il y a un différentialisme de nature ethno-culturelle qui hiérarchise de façon très ambiguë les groupes humains. Peut-on ranger Claude Guéant dans cette catégorie ? Je ne le pense pas, même si ses adversaires tiennent absolument à l’enfermer dans une position idéologiquement dure, qui refuse l’apport des populations étrangères pour incompatibilité de valeurs. Je rappellerai aussi qu’à la suite du philosophe marxiste indépendant Henri Lefebvre, un courant de gauche s’est réclamé du différentialisme pour mieux mettre en évidence la pluralité humaine et ses richesses. Les choses sont donc très compliquées.
Enfin il y a la question des civilisations, de leurs originalités, de leurs orientations philosophiques à l’évidence hétérogènes. À l’heure de la mondialisation, il y a un pari à faire en vue de leur dialogue plutôt que de leur confrontation. Mais ce n’est pas à coup de polémiques empoisonnées que l’on sortira des difficultés par le haut.
— –
cf. Chronique à Radio Notre-Dame le 6 février 2012