Il est impossible d’échapper aujourd’hui à la situation de la Tunisie, elle est si grave, si poignante! L’accélération des événements qui s’est enclenchée avec des émeutes toujours plus étendues et réprimées dans le sang, a provoqué la fuite du président Ben Ali. Ainsi ce régime, qui paraissait si assuré de lui-même, s’est effondré comme le font souvent les dictatures sans enracinement populaire. Pourtant, pendant longtemps Ben Ali a été considéré comme un pilier de la sécurité au Maghreb par les dirigeants occidentaux, inquiets, non sans raison, de l’emprise islamiste sur les populations de la région. On peut même dire que, jusqu’à ces derniers jours, beaucoup de politiques ont considéré avec déplaisir la déstabilisation du régime tunisien, ne pouvant imaginer de véritables alternatives. Et il est vrai que la Tunisie sans Ben Ali est loin d’être assurée de son avenir. Le pays n’a pas encore retrouvé la sécurité nécessaire; il est livré aux pillages et aux exactions.
On saura bientôt si l’armée, qui n’a pas la puissance de l’armée algérienne, peut agir pour le rétablissement de l’ordre. Pourra t-elle se substituer à la police liée au régime déchu et suspectée de concourir aux désordres? On voit mal se construire d’autres institutions si le chaos s’étendait encore. La sécurité est une nécessité première. Après, il faudra reconstituer une classe politique légitimée par une véritable adhésion populaire. Il semble que ce n’est pas encore le cas, l’ancien régime ayant procédé à une féroce répression de son opposition. Celle-ci se trouve réduite à quelques personnalités souvent exilées et ne trouvant même pas le recours d’un minimum d’appareil militant. Un régime représentatif ne s’instaure pas en quelques semaines.
Alors, peut-être que la Tunisie, tout comme d’ailleurs l’Algérie et le Maroc, dispose d’un atout précieux : celui de sa jeunesse. Cette jeunesse, qui s’est révoltée et qui a montré une étonnante détermination, saura t-elle profiter de sa victoire, et pour cela la dépasser en se montrant responsable et créative, au point de donner au pays ces structures qui lui manquent terriblement ? Ce n’est qu’un vœux pour le moment. Mais, s’il n’est de richesse que d’hommes, la Tunisie est riche d’une population jeune, formée, capable d’émerger d’un chaos qui pour le moment obère toute chance de renouveau.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 17 janvier