Je dois avouer, en commençant, ma mauvaise conscience. Dans cette chronique, je privilégie certains sujets bien que je ne m’en interdise aucun. Parfois, j’hésite franchement. Suis-je assez compétent pour aborder certaines questions complexes ? Parfois aussi, je renonce, ne parvenant pas à formuler un jugement satisfaisant, même si je n’ai pas très bonne conscience de me dérober. La tragédie de la guerre en Syrie constitue ainsi pour moi un sujet presque impossible. Certes, je pourrais dire ma douleur face à cette guerre inexpiable qui a fait des centaines de milliers de victimes et même ma révolte face à des massacres insupportables, notamment lorsque l’armée d’Assad a bombardé des hôpitaux ou des écoles. Mais l’indignation et la colère ne suffisent pas à susciter un jugement qui, pour n’être pas inopérant, devrait déboucher sur des choix déterminés.
Or, franchement, je n’arrive pas à entrevoir une sortie raisonnable, encore moins équitable à cette guerre. Une solution politique, fruit d’une négociation entre ennemis, apparaît quasiment impossible. Seul l’écrasement d’un camp par un autre sanctionnera donc le conflit, au risque que le vainqueur ne célèbre sa victoire que dans un champ de ruines. Et ce ne sera même pas le champ de ruines de l’Allemagne vaincue sur lequel s’était élaboré l’étonnant miracle allemand de l’après-guerre. J’entends ici et là que la catastrophe aurait pu être stoppée, si les Occidentaux n’étaient pas restés spectateurs du drame. Obama aurait renoncé à toute riposte, ne voulant plus prolonger le désastre des précédentes interventions américaines dans la région.
J’entends ce discours qui n’arrive pas à me convaincre vraiment. Que pouvaient faire les Occidentaux de décisif, sauf à s’engager dans une expédition pour abattre Assad ? S’ils n’ont pas osé, n’était-ce pas parce que c’était hasardeux et plus encore dangereux ? Je viens de lire plusieurs pages d’informations et d’analyses assez remarquables à propos de la bataille d’Alep. J’en suis sorti encore plus perplexe, comme si cette tragédie s’interdisait toute porte de sortie. Il ne reste qu’un profond dégoût et surtout une compassion un peu vaine. Je n’en suis ni fier, ni satisfait.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 décembre 2016.