Le Figaro publiait hier une tribune signée par une centaine d’intellectuels dénonçant le séparatisme islamiste. Le texte fait la distinction entre les promoteurs de ce séparatisme et les Français musulmans, ou de culture musulmane sans être croyants « qui aiment la démocratie et veulent vivre avec tout le monde ». Il ne s’agit donc pas de promouvoir ce que d’aucuns appellent l’islamophobie. Cependant, l’examen de la liste des signataires révèle l’absence flagrante de noms musulmans. Ne sachant rien de la façon dont ont procédé les initiateurs, on s’interroge sur l’éventail des personnalités pressenties. Peut-on penser que même les musulmans acquis à la tribune sur le fond auraient quelques scrupules à se manifester dans une démarche qui pourrait tout de même être qualifiée, sinon d’islamophobe, du moins de réticente à l’égard d’une religion potentiellement dangereuse ?
Par ailleurs, il est également évident qu’on ne relève aucun nom caractéristique des formations de gauche, des intellectuels qui ne sont pas dans la mouvance d’un Alain Finkielkraut. Il est vrai qu’on serait surpris qu’un Edwy Plenel rejoigne un tel courant, avec tous ceux qui se réclament précisément de la tendance farouchement opposée à ce qui, de près ou de loin, paraît stigmatiser l’islam et les musulmans. Pourtant les principes dont se réclament les cent devraient susciter un consensus assez général. Ne s’agit-il pas de se regrouper autour de convictions qui dépassent les sensibilités politiques ? Qui donc est hostile à un monde « où les deux sexes se regardent sans se sentir insultés par la présence de l’autre » ? Qui ne désire pas vivre dans un monde « où les femmes ne sont pas jugées inférieures par nature » ? Qui rejette une laïcité qui, n’excluant personne, permet à toutes les religions de coexister pacifiquement ?
Il faut considérer que dans l’état actuel des crispations, le consensus n’est pas si évident. N’est-on pas prêt à se déchirer à chaque incident, tel celui qui a vu des sans-papiers manifester dans la basilique Saint-Denis, nécropole des rois de France ? Les oppositions sont radicales, les invectives tombent dru, révélant des sentiments violents. L’espoir d’une nation rassemblée, comme elle semblait l’être au lendemain des attentats cruels qui l’ont frappée, semble s’éloigner. Et pourtant, il est impossible de se passer de règles de vie communes, sauf à se résigner à ce que les cent appellent l’apartheid.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 21 mars 2018.
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