Un ami me rappelle opportunément que Charles Péguy, tout au début de sa carrière d’écrivain militant, avait dénoncé le massacre dont étaient déjà victimes les Arméniens. Ainsi écrivait-il dans Les Cahiers de la quinzaine en mars 1900 : « Le massacre des Arméniens, sur lequel je reviendrai toujours, et qui dure encore, n’est pas seulement le plus grand massacre de ce siècle (il parlait du XIXe), mais il fut et il est sans doute le plus grand massacre des temps modernes et pour nous rappeler une tuerie tellement collective, il nous faut dans la mémoire de l’humanité remonter jusqu’aux massacres asiatiques du Moyen Âge. » Péguy parlait alors de la tragédie qui s’était produite entre 1894 et 1896 et qui s’était déroulée dans l’Empire ottoman. Le nombre des victimes était alors évalué à 300 000 personnes.
C’est comme si on avait oublié ce premier massacre, car il a été suivi d’un second, dont on se souvient, celui-là. La Turquie moderne, qui a succédé à l’empire Ottoman, se refuse toujours obstinément à en reconnaître la vérité historique. Il fut perpétré d’avril 1915 à juillet 1916 et même au-delà. Il fit périr les deux-tiers de la population arménienne présente sur le territoire. On estime qu’il coûta la vie à 1 200 000 personnes, et il fut sciemment organisé par le parti alors au pouvoir. Mais comme si la fatalité s’était décidément abattue sur ce peuple martyr, ce peuple chrétien, il est à nouveau en grave danger sur le territoire du Haut-Karabakh. Six semaines de combats meurtriers ont ravagé cette région à population arménienne, envahie par les troupes de l’Azerbaïdjan.
Un cessez-le-feu vient certes d’être signé sous l’égide de la Russie, mais l’avenir est très menaçant. Le conflit pourrait se rallumer dans les années à venir. Les Arméniens se trouvent sans défense. Qui viendra à leur secours ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 12 novembre 2020.