«Réconcilions la biomédecine et la vie. » L’intention affichée par l’association organisatrice et ses partenaires est explicite : s’engager sans complexe dans la démarche ouverte en février 2009 pour s’achever le 23 juin. Les 10 étapes de la Tournée Bioéthique sont d’ailleurs intégrées à l’agenda du site gouvernemental officiel, car toute « initiative citoyenne » permettant de nourrir le débat est encouragée. La notion d’états généraux, dans l’air du temps, est ici spécialement utile. Le débat bioéthique finissait par être monopolisé par quelques spécialistes, comme s’il fallait être de la partie pour comprendre, discerner… et décider ! Or, c’est l’avenir de l’humanité qui se joue au travers de l’émergence de la médecine prédictive. Un véritable basculement du thérapeutique vers le prédictif se dessine ; d’aucuns y décèlent la menace d’un totalitarisme du type « Meilleur des mondes ».
De plus, il ne s’agit aucunement de débats intellectuels ou de science-fiction. Handicap et maladie, grossesse et enfantement, infertilité… les sujets abordés sont ceux des épreuves de toute vie contemporaine.
En tout cas, le public a répondu partout présent. Alerté par des tracts, des affiches, des publicités, le bouche-à-oreille, des annonces radiodiffusées et le « buzz internet », (littéralement vibration, qui enfle lorsqu’on reçoit de multiples courriels), on se presse dès le premier jour, à Lille. Une fois la salle comble, y compris dans les travées latérales où l’on s’assoit par terre et au fond où l’on reste debout, les services de sécurité du Palais des congrès se résolvent à refouler une cinquantaine de retardataires. Le même scénario se reproduira souvent, au point que les équipes d’accueil, privées de « show », iront jusqu’à l’extérieur des salles pour faire signer l’Appel Bioéthique par ceux qui ne peuvent entrer (200 à Lyon).
Aucune des soirées ne ressemble exactement à une autre. Ce pari de la spontanéité est favorisé par la variété des plateaux : tour à tour, viennent le pasteur Daniel Rivaud, délégué général du Comité Protestant Évangélique pour la Dignité Humaine (Lille, Paris et Strasbourg), Philippe de Lachapelle, directeur de l’Office Chrétien des Personnes Handicapées (Tours et Paris), Sophie Lutz, qui écrit régulièrement dans la revue Ombres et Lumières de l’OCH (Nantes) et Annie Alary venue en « régionale de l’étape » à Rennes. Autant de voix différentes que complètent des témoignages projetés sur grand écran. Trois d’entre eux sont des reportages de la chaîne KTO : les parents de Philippine présentent leur petite fille lourdement handicapée, que la Tournée a choisi de désigner comme « invitée d’honneur » tant elle donne à réfléchir et provoque l’ouverture des cœurs ; Claire Boucher relève l’injustice d’un dépistage anténatal qui se traduit désormais par une quasi éradication de ceux qui portent le même handicap qu’elle, le spina bifida. Son témoignage édifie et fait sourire, comme lors-qu’elle raconte qu’elle aime pratiquer la voile, sur mer, son problème d’équilibre la met à égalité avec les valides. Deux autres reportages ont été directement produits par l’Alliance. à Rennes, Annie Alary, cadre hospitalier dans un établissement pour personnes âgées dépendantes, ne nie pas que son handicap la fasse souffrir, mais confie qu’il lui donne un avantage professionnel : dans son fauteuil roulant électrique, n’est-elle pas au même niveau que les personnes alitées ? Et de faire comprendre en esquissant un sourire que sa situation personnelle la rend particulièrement exigeante pour le confort des personnes malades et le respect de leur dignité.
Chaque soirée se déroule selon trois modules successifs : l’embryon et la recherche ; l’assistance médicale à la procréation ou AMP (y compris la Gestation Pour Autrui ou mères porteuses) et les diagnostics préimplantatoire et prénataux. Chaque module est introduit par un bref exposé informatif, qu’assurent tour à tour Xavier Mirabel et Caroline Roux qui coordonne les services d’écoute de l’Alliance, notamment sur les sujets de l’infertilité et de l’annonce du handicap. Puis l’animateur présente une vidéo d’illustration avant de lancer le débat. On peut ainsi découvrir le travail prometteur du centre de recherche Novus Sanguis qui se développe dans la région lyonnaise, avec le financement de la Fondation Jérôme Lejeune. Une façon de montrer que le « non » à la recherche sur l’embryon, n’est aucunement un non à la science et à ses perspectives thérapeutiques. Le second module, sur l’AMP, est illustré par un micro-trottoir particulièrement révélateur : on y découvre que l’homme ou la femme de la rue est capable de changer d’avis en quelques minutes sur le même sujet suivant que l’intérêt de l’enfant a ou non été invoqué. Au terme du troi-sième module, le public se dit heureux d’avoir reçu à la fois des informations pédagogiques et des prises de position « argumentées en raison ».
Si les intervenants s’entendent pour expliquer qu’on ne peut tout accepter sous le coup de l’émotion, tous se montrent compréhensifs pour les épreuves humaines qui font vaciller beaucoup de consciences.
Deux mots-clés, « souffrance » et « transcendance », éclairent la fin des débats : il y a quelque chose de déterminant dans la façon dont la société tend à occulter l’un et l’autre.
Une grande majorité des quelque 5 200 spectateurs (soit nettement plus que la contenance officielle des salles !) signera avec enthousiasme l’Appel Bioéthique lancé au terme de chaque soirée. C’est une façon unitaire de participer au débat national. Les organisateurs espèrent également que, revenus à la maison, beaucoup auront à cœur de « relayer le message » autour d’eux.
Pour aller plus loin :
- Près de 4500 participants aux soirées de la Tournée bioéthique 2010 de l'Alliance pour les Droits de la Vie
- Bioéthique : les 7 propositions de l’Alliance pour les Droits de la Vie
- Tournée 2011 de l’Alliance pour les Droits de la Vie
- Tournée 2011 de l’Alliance pour les Droits de la Vie
- Discussion lois de bioéthique au Sénat : l’Alliance pour les Droits de la Vie appelle à la justice et à la liberté