Un sondage de l’IFOP publié hier par l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) démontrerait que les Français ont une plus grande acceptation de la torture par rapport au début des années 2000. Je préfère pour ma part utiliser le conditionnel, car dans ce genre d’enquête il convient de garder une certaine réserve. En tout état de cause, ce sont les circonstances qui expliquent l’évolution de l’opinion. Depuis que le terrorisme s’est imposé comme une réalité sanglante jusqu’au cœur de Paris, lorsque l’assassinat d’un couple de policiers intervient comme acte politique dans notre univers urbain, on comprend que l’opinion s’émeuve et s’interroge sur les moyens propres à juguler la violence, celle-ci s’inscrivant dans un climat de guerre.
Je ne dis évidemment pas cela pour justifier d’une façon ou d’une autre la licéité de la torture, j’en ai une souveraine horreur. On peut être effrayé à l’instar de Jean-Étienne de Linares, délégué général de l’ACAT du fait que « 36 % des Français estiment que dans certains cas exceptionnels, (attentats, guerres, etc), on peut accepter le recours à la torture ». On peut être confondu devant l’affirmation selon laquelle « 18 % des Français se sentiraient capables de pratiquer eux-mêmes la torture ». C’est un véritable vertige moral qui s’empare de vous, lorsqu’on mesure la gravité sans nom d’une atteinte à la personne, réduite à la douleur d’un corps souffrant sous l’effet d’un sadisme insupportable.
Mais en même temps, il convient d’apprécier les circonstances qui expliquent cette évolution de l’opinion. Une opinion qu’il faut mettre en garde, à laquelle il faut rappeler sans relâche ses devoirs d’humanité, mais à laquelle il ne faut pas mentir. Ce qui justifie l’ACAT c’est son caractère non partisan, d’autant plus humanitaire que son engagement s’inspire de l’Évangile. En d’autres temps, la dénonciation de la torture a pu être une arme politique pour délégitimer une armée ou un État, alors même que cette armée et cet État étaient aux prises avec un terrorisme inhumain. Il faut des gardiens de l’intégrité humaine, mais il ne faut pas cacher non plus les enjeux redoutables et la difficulté de la lutte contre la terreur. Nous sommes face à un défi universel. Le Monde d’hier annonçait l’offensive de l’armée algérienne contre le déploiement de l’AQMI et de l’EI sur son territoire. On na pas oublié, outre-Méditerranée, l’horreur de la guerre civile, menée par le Front islamique du salut.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 juin 2016.