Le Père Oscar Arnulfo Romero y Galdamez, un des nouveaux saints de l’Eglise (avec Paul VI et cinq autres qui ont été canonisés aujourd’hui), était fondamentalement un lettré. Dans son homélie lors de son installation en tant qu’archevêque du Salvador, Romero, l’homme avec ses lunettes, disait en manière d’excuse : « je viens d’un monde de livres ». On pensait qu’il était une souris d’Église, aligné avec l’établissement du Salvador, et choisi pour être archevêque pour cette seule raison. Il était timide et considéré comme un modéré, comme peut-être il était au début.
Mais les conditions au Salvador en 1977 étaient misérables et le devenaient de plus en plus : avec de larges écarts de revenus et d’égalités des chances, avec l’armée prête à utiliser des moyens extra-judiciaires (i.e. les escadrons de la mort) pour maintenir le statu quo. A peine trois ans dans son épiscopat, Romero en a eu assez, et ce modéré s’était radicalisé. Il devint la voix d’une sorte de révolution, bien qu’il n’embrassa jamais le Marxisme qui s’était infiltré dans plusieurs courants de la Théologie de la Libération.
En tout cas, son dernier sermon tonitruant du dimanche devait le conduire à la mort :
Nous voulons que le gouvernement admette que les réformes sont sans valeur si elles doivent être mises en oeuvre tâchées de sang. Au nom de Dieu, et au nom de ce peuple souffrant dont les cris montent au ciel chaque jour plus fortement, je vous implore, je vous supplie, je vous ordonne au nom de Dieu : arrêtez la répression.
Il fut martyrisé le jour suivant (le 24 mars 1980) alors qu’il disait la messe dans la chapelle d’un hôpital de cancérologie du Salvador, presque sûrement victime d’un escadron de la mort dirigé par Roberto d’Aubuisson, que l’on pense avoir donné l’ordre de l’assassinat.
Dans le film « Romero » du réalisateur australien John Duigan (maintenant re-masterisé et re-diffusé par la Paulist Production dans une édition « collector » pour coïncider avec la canonisation), D’Aubuisson n’est pas cité, et est représenté, en composite, par deux militaires fictifs. L’acteur portoricain, Raul Juia joue le rôle de l’archevêque éponyme d’une façon intéressante, plutôt sobre.
Feu M. Julia, âgé alors de 48 ans, était d’une douzaine années plus jeune que l’archêque Romero lors de la période couverte dans le film et, mesurant 1,88 m, était de 13 cms plus grand. Bien sur, de telles différences sont habituelles dans les films. (pensez au 1,93 mètre de John Lithgow alors qu’il interprétait le 1,67 mètre de Winston Churchill dans la série The Crown, se courbant pour apparaitre plus petit que Claire Foy, qui a la même taille, 1,62m, que la reine Elisabeth II).
Mais la stature du Romero photogénique, apparement l’homme le plus grand du Salvador, a servi à lui donner une « silhouette imposante », que sa sainteté suggère qu’il avait.
Romero a reçu des critiques mitigées lors de sa première sortie, mais la plupart des critiques furent très élogieux de la performance de Mr Julia, que j’avais trouvé bonne bien que minimisée – au point d’être parfois soporifique. Je devine que je dois être d’accord avec Vincent Canby du New York Times qui écrivit que « la manière du film est celle d’un manuel ». Mr Duigan et le scénariste John Sacret Young, ont produit un film avec un dialogue la plupart du temps sans vie, avec des scènes embrouillées, des caractères stéréotypés, et une politique de gauche prévisible. Il y a peu de tension alors que la « biographie » rend inexorable le cheminement vers l’assassinat de Roméro.
Mais le film Romero a ses bons moments. Dans une scène, l’archevêque arrive non annoncé à l’hacienda du président élu du Salvador. Le futur président (Harold Cannon) lui donne un siège à une table avec des officiels dont un des chefs militaires, et interrompt Romero – alors que l’archevêque détaille les crimes du gouvernement contre le peuple – pour dire qu’il y a des problèmes des deux cotés et que les prêtres ne devraient pas se mêler de politique; en outre qu’il n’acceptera aucune agitation venant des prêtres, et que le prêtre assassiné (il y en eu beaucoup), le Père Rutilio Grande (Richard Jordan), était un communiste.
L’expression habituellement placide de M. Julia change à peine. Il ne regarde pas le président-élu mais dit avec une conviction tranquille: « vous êtes un menteur ». C’est le alea jacta est de Romero, et il est puissant.
Plus tard, lors d’une réunion épiscopale, il est clair que Romero a décidé de ne pas assister à la prise de fonction du président, et il y eu une prise de bec entre lui et l’évêque vicaire aux armées (Al Ruscio). Et quand la colère explose de la contenance calme de Julia, c’est frappant.
Au moins cela l’est les deux ou trois premières fois.
Peu de temps après, suite à une confrontation tendue (totalement imaginaire) avec un sergent fou de pouvoir dans une église désacralisée par des soldats, une expression vient sur le visage de Julia. C’est encore un visage surtout sans expression, sauf que ses yeux affichent un éveil subtil : Romero réalise qu’il sera sûrement assassiné par ces gens-là.
Mon collège Robert Royal écrivit dans son extraordinaire livre de 2000, Les catholiques martyrs du vingtième siècle, que peu de temps avant d’être assassiné, Romero remarqua :
« S’ils me tuent, je m’élèverai de nouveau dans le peuple du Salvador ».
Pour une autre personne (le Dr Royal écrit), la comparaison indirecte de soi avec le Christ pourrait sembler présomptueuse. Dans le cas de Romero, ce n’était ni plus ni moins que la vérité.
Ne faisons pas d’erreur : Romero était un homme doué d’une vertu héroïque, et il est faux de penser de lui seulement comme un homme radicalisé par la lutte des classes du Salvador. Ceci aurait pour effet de le comparer à Judas. Mais Romero ressemblait plus à Jesus lorsque Notre Seigneur chassa les acheteurs et les vendeurs du temple. Romero ne recherchait pas la libération au sens socialiste, mais il recherchait la simple justice chrétienne.
G.K. Chesterton écrivit « Courage est presque une contradiction de termes », Cela signifie un fort désir de vivre prenant la forme d’une acceptation de la mort. Oscar Romero était prêt à mourir. Et sa canonisation – certainement considérée dans beaucoup de cercles comme une déclaration géo-politique – est réellement un hommage au courage, et en grande mesure, à cause de son adhésion à « l’option préférentielle de l’Eglise pour les pauvres » opposée à ceux qui croient que les pauvres peuvent être ignorés, ou sauvés par le Marxisme.
En dépit de ses faiblesses, ce film mérite d’être vu.
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Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/14/the-mouse-that-roared-a-review-of-romero-1989/
Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, collaborateur principal de la « Faith & Reason Institute », et secrétaire du Conseil de « Aid to the Church in Need USA ». Il est un précédent Editeur Littéraire de National Review. Son nouveau livre « Sons of St Patrick », écrit avec George J. Martin, est maintenant en vente. The Compleat Gentleman, est disponible en audio.