Nous avions signalé la difficulté de certains débats doctrinaux et pastoraux lors des deux synodes réunis à Rome pour éclairer la pastorale familiale. Pourquoi ne pas avouer que cette difficulté nous était d’autant plus sensible qu’elle résultait de désaccords ouverts entre des pasteurs et théologiens, qui étaient nos amis proches et avaient toujours été solidaires des enseignements du magistère ? La volonté explicite du nouveau pape d’accueillir les blessures de notre temps, telles qu’elles sont vécues intimement par nos contemporains, semblait porter atteinte à la solidarité d’hier, en opposant ceux qui arguaient de la discipline des sacrements, telle qu’elle résulte de l’économie surnaturelle de la Providence, à ceux qui désiraient s’engager dans le service d’une Église, conçue comme « un hôpital de campagne », pour reprendre une expression devenue célèbre.
Y avait-il incompatibilité des deux perspectives ? Beaucoup attendaient une sorte de dénouement avec la publication de l’exhortation apostolique qui devait donner une conclusion définitive aux travaux synodaux.
Après lecture du document, il n’est pas possible de nier qu’il y a une vision supérieure de la doctrine du mariage qui s’inscrit dans la Tradition la plus authentique de l’Église. François reprend la pensée de ses prédécesseurs, y compris celle de Paul VI dans Humanae vitae, l’encyclique qui avait été l’objet de virulentes polémiques. Il y ajoute sa réflexion personnelle, telle qu’il la développe notamment dans ses catéchèses du mercredi et qui témoigne d’un sens aigu des réalités concrètes et de son attention extrême à toutes les composantes affectives et éducatives de la vie familiale. L’exhortation apostolique Amoris laetitia s’inscrit entièrement dans la culture de l’Évangile et l’expérience de la foi. Impossible d’y discerner un compromis quelconque avec les théories contemporaines complices de l’éclatement conjugal.
Cela ne signifie pas que les difficultés dont nous parlions aient été totalement effacées. Comme le souligne Thibaud Colin, le Pape ne tranche pas définitivement sur la question controversée de la communion aux personnes divorcées. Par ailleurs, le texte est d’ores et déjà l’objet de vives critiques du côté traditionaliste. Les uns et les autres tenteront de s’approprier ce qui leur convient ou les touche le plus. L’économie sacramentelle ou la miséricorde. Le mieux ne serait-il pas de s’engager le plus résolument dans la quête de l’amour dans la famille, tel qu’il transparaît dans la lumière de la Révélation, sans jamais ignorer les embûches du chemin, mais pour nous en sortir avec la grâce de Dieu ? Il ne s’agit pas de trouver un juste milieu, même d’éminence, comme disait Maritain. Il s’agit de se livrer, avec ses forces, à l’inépuisable sollicitude de l’amour divin.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La fécondité méconnue d’à Bras Ouverts