Nous célébrons aujourd’hui, certes dans des conditions bien particulières, la fête de l’Annonciation. Mais le loisir qui nous est offert pourrait peut-être nous inviter à en méditer le sens avec une particulière acuité. Ce n’est pas rien que l’annonce de l’ange à Marie ! C’est même si important que l’Église nous recommande d’en faire mémoire trois fois par jour avec la prière de l’Angelus : « L’Ange du Seigneur annonça à Marie qu’elle serait la mère du Sauveur. Et elle conçut du Saint-Esprit. » Extraordinaire événement, qui en dépit de l’habitude, devrait nous saisir au plus profond de nous-mêmes. C’est d’autant plus saisissant que la scène est d’une simplicité totale. Une jeune fille nommée Marie reçoit la visite céleste de l’ange Gabriel. Aucune enflure, aucune boursouflure dans le récit. La scène est toute d’intériorité et nous invite au recueillement intime.
Ce n’est rien moins que l’avènement de Dieu en ce monde qui s’annonce, mais sans éclat. L’histoire du monde en a été bouleversée. Une jeune fille a prononcé le fiat décisif : « Fiat mihi secundum verbum tuum. » Qu’il me soit fait selon ta parole. Marie a prononcé le oui le plus humble mais le plus déterminant. Les spéculations philosophiques de type nietzschéen sur le oui comme valeur absolue résonnent pauvrement face au fiat marial. Et l’on comprend l’importance que la théologie catholique confère à la mère de Dieu, la Théotokos, célébrée aussi par nos frères orthodoxes.
Il se trouve que j’ai reçu providentiellement, à la veille de la fête, un magnifique album, signé Didier Lamaison, intitulé Philocalie de l’Annonciation1. Dans l’iconographie chrétienne, la représentation de la visite de l’ange à Marie est d’une richesse étonnante et elle révèle une réflexion spirituelle adéquate à l’événement. Cet ouvrage érudit nous conduit à la plus exigeante méditation, celle dont Dante s’était emparé dans La divine comédie, en évoquant la scène qui provoque sa prière : « Vierge Marie, fille de ton Fils (…) tu es celle qui tant as ennobli l’humaine nature, que son créateur point ne dédaigna s’en faire créature. » Si l’histoire bascule, c’est que Marie a permis à Dieu, par son Oui, de venir parmi nous, hissant notre humaine condition jusqu’au Ciel.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 mars 2020.
- Didier Lamaison, Philocalie de l’Annonciation. Peinture et spiritualité en Italie et en Flandres au XVe siècle, Les éditions du Franc-dire.