La signification de "Sensus Fidelium" - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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La signification de « Sensus Fidelium »

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Bientôt arriveront à Rome des Évêques du monde entier pour le « Synode sur la Famille ». Certains d’entre eux apporteront les résultats de consultations sur la famille auprès des fidèles, et leurs réactions devant l’enseignement de l’Église; certains, comme Mgr Robert Lynch, évêque de St. Petersbourg (Floride), pourront avoir conclu (6800 réponses en Floride) qu’en matière de contraception artificielle, la réponse peut se résumer ainsi: « il y a belle lurette que le train est parti. Les catholiques ont forgé leur opinion, et « Sensum Fidelium » suggère le rejet de l’enseignement de l’Église en ce domaine.»

Ah! si seulement « Sensum Fidelium » était aussi facile! Un petit sondage, une analyse rapide, une conclusion hative. Eh! non! Ce n’est pas de « Sensum Fidelium » que traite Mgr. Lynch. Il se sert des mots, mais parle de tout autre chose.

Comme saint Jean-Paul II l’a nettement expliqué, « « Sensum Fidelium » ne repose pas seulement et nécessairement sur le consensus des fidèles. À la suite du Christ l’Église cherche la vérité, qui n’est pas toujours conforme à l’opinion de la majorité. — et il poursuit: — L’Église apprécie la recherche sociologique et statistique quand elle aide à saisir le contexte historique où doit se développer l’action pastorale et quand elle mène à une meilleure compréhension de la vérité. »

« Cependant — insiste-t-il— il ne faut pas prendre une telle recherche comme une forme d’expression de la foi.» Il met en garde « en vérité, sous la pression des médias, vivre en ce bas monde ne met pas les fidèles à l’abri de la perte de certaines valeurs, ni ne les aide à bâtir selon la conscience de la culture familiale un humanisme authentique de la famille.» On remarquera l’accent mis sur les dangers menaçant particulièrement les notions de famille.

SS Benoît, lui aussi a lancé des avertissements sur d’éventuels malentendus en ce domaine: « Il est essentiel de nos jours de faire la distinction entre les critères définissant l’authentique « Sensum Fidelium » et ses contrefaçons. En fait, il ne s’agit pas d’une espèce d’opinion publiée par l’Église venant, ce qui est impensable, défier les enseignements du Magistère, car « Sensum Fidelium » ne peut s’épanouir chez les fidèles à moins qu’ils (ou elles) participent pleinement à la vie de l’Église, ce qui implique l’adhésion pleine et entière à son Magistère.»
À cette occasion, SS Benoît s’adressait à la Commission Internationale de Théologie, l’encourageant à corriger certains malentendus relatifs à « Sensum Fidelium ». Voici le résumé de la déclaration de la Commission :

« Il faut bien comprendre la nature et l’environnement de « Sensus Fidelium ». « Sensus Fidelium » ne représente pas l’opinion de la majorité à un moment donné ou au sein d’une culture… « Sensus Fidelium » est le « sensus fidei » du peuple de Dieu en tant qu’ensemble soumis à la Parole de Dieu et guidé par ses pasteurs sur les chemins de vérité. Ainsi donc « Sensus Fidelium » est le sens de la foi profondément enracinée chez le peuple de Dieu, qui reçoit, comprend et vit la Parole de Dieu au sein de l’Église.»

Et la Commission insiste :

« La théologie catholique dit la vérité en l’amour, afin que les fidèles fassent croître leur foi et ne soient pas ballottés en tous sens aux vents de la doctrine.»

Alors, merci de ne pas assimiler « Sensum Fidelium » au résultat d’un sondage effectué récemment auprès de 6800 catholiques en Floride. Il vaut mieux considérer « Sensum Fidelium » comme l’essentiel que les catholiques ont toujours et partout cru, même si leurs croyances ont encore besoin de définitions venues d’un concile ou du Pape.

On trouve bien des doctrines de l’Église dans cette catégorie : enseignements jamais définis formellement mais simplement admis comme faisant partie du patrimoine de l’Église. Jean-Paul II, par exemple, soutenait dans sa Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis que réserver la prêtrise aux hommes faisait partie de cet enseignement. Affirmation qu’on appelle parfois « Magistère universel de l’Église ». Il n’a jamais été formellement défini, mais a toujours et partout été enseigné et admis comme « de fide » (principe de foi).

Imaginez, à la lumière de cette affirmation, ce qui se serait produit si un évêque avait lancé une consultation sur les réactions du peuple américain à cette question dans son diocèse, par exemple à St-Petersbourg, Floride, ou à Cape Cod, Massachusetts [sites renommés de villégiature de la haute société].
On ne peut prendre « Sensum Fidelium » pour une tranche d’opinion ici et maintenant car l’Église n’est pas un organisme localisé et instantané. L’Église recouvre le monde entier, les cultures, tout au long des siècles. Elle prend en permanence en compte la venue future du Christ, appuyant ses décisions du moment sur la sagesse transmise par les Écritures et la Tradition, fidèle à l’Esprit qui ne cesse de la guider.

Quel aurait été le résultat d’un sondage parmi les catholiques allemands sur le statut des Juifs en 1938 ? Ou d’un sondage en Floride sur la légitimité de la ségrégation en 1954? Ce petit fragment d’opinion devrait-il permettre d’évaluer la position de l’Église sur les Juifs ou la ségrégation? On peut bien ne pas être nazi, mais est-on certain d’échapper à ses propres préjugés et à sa propre myopie ?

Juger avec du recul est trop facile, on mesure aisément l’étroitesse d’esprit et les préjugés des anciens. Mais jauger notre propre étroitesse d’esprit et nos propres préjugés est une autre affaire, nous vivons avec en permanence.
Ne serait-il pas plus sensé de reconnaître dans « Sensum Fidelium » notre héritage du passé tout comme notre dette envers le futur, et progresser avec humilité guidés par le Seigneur et par l’Histoire, que nous satisfaire des idées courantes du temps présent ?

Il est temps de porter nos pensées sur la sagesse infinie de notre nouveau Saint, Jean-Paul, afin de ne pas vider « Sensum Fidelium » de son sens.

Source : The Proper Sense of the ‘Sensus Fidelium’ : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-sensus-fidelium-and-popular-piety.html

Photo : 1er mai2014, Synode.