La seule appli dont vous ayez réellement besoin - France Catholique
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La seule appli dont vous ayez réellement besoin

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Un nouveau mot est entré dans le vocabulaire quotidien : « appli. » Une abréviation pour « application d’ordinateur », programme typiquement installé sur les « smart » phones – téléphones qui sont souvent trop smart, c’est-à-dire ingénieux, pour ceux d’entre nous qui en font usage. Une appli a récemment été développée pour enregistrer les battements de cœur et les mouvements de l’utilisateur à tout moment de la journée. Le but poursuivi est de surveiller les « apports caloriques » (ce qu’on appelait autrefois « nourriture ») par rapport aux calories brûlées, avec des rapports détaillés disponibles pour un examen approfondi périodique. C’est une appli remarquable et un guide extrêmement utile pour une alimentation et un exercice approprié, afin de rester en bonne santé et vivre longtemps.

Mais imaginez-vous vivant avec ce dispositif sanglé à votre poignet. Non seulement il est nécessaire d’y entrer le type et les quantités de nourriture consommée, mais il faut également une évaluation constante et une adaptation de l’exercice, de l’alimentation et des rythmes de sommeil. Plus j’y pense, plus cela me semble une forme d’esclavage technologique, inutile à moins d’avoir de sérieux soucis de santé. Vous pensez que j’exagère ? Mettez-vous à la page, mon père ? Laissez-moi vous raconter une histoire.

Comme jeune homme d’affaires, dans les années 70, je m’étais abonné et lisais effectivement le Wall Street Journal. Je me rappelle avoir lu une étude de santé fort intéressante réalisée en Angleterre. Pendant plusieurs années, les chercheurs ont suivi l’existence de gens qui se décrivaient comme très attentifs à une alimentation saine et à un exercice suffisant. Le groupe témoin était composé d’une sélection aléatoire de gens ordinaires pas particulièrement intéressés par « une nourriture saine. » Les résultats étaient surprenants : le taux de décès était significativement plus élevé dans le groupe « nourriture saine » que dans le groupe « gens ordinaires. » Les chercheurs étaient bien en peine de trouver une explication.

Voici ma théorie : « Car quiconque veut sauver sa vie la perdra, et quiconque perd sa vie pour moi ou pour l’Evangile la sauvera. » (Marc 8:35) Est-il possible de tomber dans l’excès pour la préservation de sa vie ? Y a-t-il trop de stress associé à l’obsession de consommer uniquement de la nourriture « saine » (saine selon les dernières lubies) et de prendre suffisamment de temps pour l’exercice physique ? Le stress de cette obsession tend-il à la longue à provoquer une augmentation dangereuse de la pression artérielle ? Et est-il possible que ceux qui sont relativement inattentifs – ou attentifs seulement en fonction de signes cliniques personnels – tendent à avoir moins de stress ?

Par ailleurs, sont-ils plus enclins à être sereinement attentifs à la vie à venir précisément parce qu’ils ont plus de temps de qualité pour envisager les « dons les meilleurs »(1 Cor.12:31), laissant moins de place à des fixations sur la santé physique bassement matérielles et sujettes à inquiétude. Évidemment, il n’y a pas moyen de tester mes hypothèses dans cette vie. Mais il est amusant – dans un sens culturellement iconoclaste – de poser ces questions.

Pas satisfaits ? Désireux de « combattre le feu par le feu » avec une alternative technologique concrète ? Plutôt que « maudire l’obscurité » de l’esclavage technologique, ne pensez-vous pas qu’il est temps « d’allumer la lumière » d’une alternative technologique ? (Je suis maintenant à court de clichés.)

D’accord, il y a une appli que j’aimerais voir développer par les génies de la Silicon Valley. Appelons-là l’appli « examen de conscience », l’EXAC. Au réveil, l’EXAC, par reconnaissance vocale, vous aiderait à prendre de bonnes résolutions pour la journée : j’essaierai d’être agréable et affectueux avec ma femme et mes enfants, posé alors que je roule vers mon travail ; assidu à ma tâche ; attentifs aux besoins de mes collègues de travail ; patient avec mon chef ; indifférent aux tentations et faste d’internet. Le reste à l’avenant.

Chaque manque serait soigneusement enregistré sur l’EXAC. Cela vous rappellerait, à la mi-journée, de renouveler vos bonnes résolutions, vous avertirait de vos inclinations au péché avant de les laisser se développer en mauvaises habitudes ou même en vices. Le soir, vous consulteriez l’EXAC une dernière fois pour des informations détaillées sur vos manquements, avec un smart phone qui vous rappellerait les prochains choix qui mèneront à de meilleurs résultats.

L’EXAC pourrait même être utilisée au confessional. Le prêtre pourrait demander : « rien d’autre, pas d’oubli ? La nature et le nombre, et ne m’ennuyez pas avec les détails. »

Euh, peut-être pas ça.

Si les chercheurs vieillissants de l’étude anglaise des années 70 étaient amenés à conduire une étude sociologique et spirituelle des utilisateurs de mon EXAC, qu’en concluraient-ils ? Les EXACiens seraient-ils tellement obsédés par leurs petites peccadilles qu’ils manqueraient à prendre du temps pour une vie de prière et une vie sociale appropriées – remercier, adorer, être joyeux en présence du Seigneur ? Les adeptes de l’EXAC pourraient-ils devenir tellement obsédés par leurs scrupules qu’ils finiraient par devenir spirituellement morts ? Et ce pourrai-il que ce soit ceux qui sont relativement peu attentifs aux menus détails de leurs manquements moraux et seulement périodiquement attentifs aux signes de leur échec à répondre à la grâce de Dieu – avec un véritable amour – qui pourraient en réalité finir avec une meilleure santé spirituelle ?

La technologie est utile, mais elle ne sauve pas. Le salut nous vient par une rencontre personnelle avec le Christ – dans la confession, les uns avec les autres à la messe et dans les sacrements et également dans nos relations personnelles les uns avec les autres. Prenez du bon temps avec votre famille et vos amis. Organisez une randonnée avec un petit groupe. Une bataille de bombes à eau avec les gamins. Et éteignez de temps à autre votre téléphone portable. « Il y a un temps pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel. » (Ecclésiaste 3:1)

Très sérieusement, passez moins de temps avec des gadgets électroniques et plus de temps en prière, en examen de conscience, vie sacramentelle, vivez une vie de vertu délibérée, vécue joyeusement les uns avec les autres. Car « puisque vous avez été élevés avec le Christ, cherchez les choses d’en-haut ; là où le Christ est assis à la droite de Dieu. » (Colossiens 3:1)

Faites ainsi et vous ne vivrez pas seulement une longue vie. Vous vivrez pour toujours.

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Le père Jerry J. Pokorsky est un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie). Il est curé de l’église Saint Michel Archange à Annandale.

Illustration : le pape François accueilli à Manille

source : http://www.thecatholicthing.org/2015/08/29/the-only-app-you-really-need/