La science sélective et le cancer du sein - France Catholique
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La science sélective et le cancer du sein

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En janvier, mon journal local a passé en une un article mettant en évidence le taux anormalement élevé de cancers du sein dans la baie de San Francisco. Pour des raisons bien compréhensibles, on cherche passionnément à décortiquer les causes profondes de ce mystère médical. Le cancer du sein étant multi-factoriel, une explication définitive doit forcément être complexe.

Cependant, sur la raison pour laquelle la prévalence est plus élevée ici, l’article ne peut fournir un éclaircissement sûr, seulement un topo des principaux facteurs de risque mis en évidence par les recherches en cours. Facteurs génétiques et environnementaux, dont certains sont reconnus comme déclenchant des cancer du sein sont énumérés. Le DDT est pointé comme coupable potentiel, ne me demandez pas pourquoi.

L’article précise, avec suffisamment de doigté pour ne pas culpabiliser les lecteurs, que certains facteurs de risque tiennent au mode de vie : régime alimentaire, sédentarité, boissons alcoolisées. Une brève référence à l’impact d’une absence de grossesse ou d’une première grossesse tardive mise à part, les lectrices concernées ne soupçonneront pas à quel point c’est important, de même que d’autres facteurs gynécologiques, un sujet que j’ai déjà traité dans ces pages et ailleurs.

Il n’y a aucune mention des pilules contraceptives, un facteur de risque officiellement reconnu, mais fortement minimisé, ni de l’avortement. 1 Les autorités ont décidé d’ignorer les preuves solides sur ces facteurs contestés.

Les lecteurs présupposent que des scientifiques assidus se penchent sur le problème, explorant chaque piste, si minime soit-elle : qui pourrait avoir l’audace de faire obstacle à l’enquête ou chercher à cacher au public des risques plausibles ?

Une nouvelle loi californienne, qui prendra effet en avril 2013, pourrait donner l’impression que nos responsables sanitaires et politiques font tout leur possible. La loi va rendre obligatoire aux radiologues pratiquant des mammographies de signaler à leurs patientes chez qui l’imagerie révèle une haute densité du sein que cette haute densité est un facteur de risque élevé.
Informer les femmes, et le public en général, des risques reconnus semble primordial, quant à savoir si c’est la bonne méthode à employer, c’est une autre question. Les améliorations dans le traitement du cancer du sein – une réelle performance médicale – n’ont pas éliminé l’une des limites présentes de la mammographie comme instrument de dépistage : elle génère une effroyable quantité de faux positifs. Traduction : elle diagnostique des cancers du sein imaginaires.

Selon un récent rapport du British Medical Journal, plus de 70 000 Américaines ont été à tort diagnostiquées atteinte d’un cancer du sein en 2008. Cela représente à peu près le tiers des véritables cancers du sein chez les femmes de plus de 40 ans, et environ la moitié tous âges confondus. Selon certaines estimations, les dommages subis sans nécessité l’emportent sur les bénéfices qui découleraient d’un dépistage réellement fiable.

Ce récit dans le Los Angeles Times fait un commentaire adéquat : la relation entre une forte densité du sein et la survenue d’un cancer a été soupçonnée durant des décennies, avant d’être finalement largement reconnue par le corps médical. Les femmes n’en étaient pas systématiquement averties parce que cela était jugé « de peu d’utilité… puisque cela est en grande partie déterminé par des facteurs hors de leur contrôle, tels que l’hérédité, l’âge, l’ethnie… »

Mais apparemment, il est tout à fait acceptable de nier et minorer les facteurs de risque liés à la reproduction, qui, eux, peuvent être contrôlés. Ça ne se concilie pas facilement avec les recherches zélées et par ailleurs bien intentionnées de thérapies et de réponses.

C’est aussi en conflit marqué avec la Gauche se targuant d’être championne de la défense de la science. « La science, écrit Yuval Levin, est constamment sur les lèvres des politiciens démocrates, et le discours populaire se poursuivant, présentée comme héroïquement défendue par la Gauche, comme un précieux et fragile héritage pillé par des sauvages néanderthaliens. »

Mon propre sénateur, Joe Simitian, défend cette législation sur la densité mammaire, mais compte tenu du poids du Planning Familial au sein de son parti et de son district, je le vois mal avoir le courage de proposer une loi qui oblige à informer toute femme envisageant un avortement que cela augmente significativement le risque qu’elle développe un cancer du sein par la suite. Je devine que la science en tant que science n’est pas toujours bienvenue.

D’accord, il n’est peut-être pas correctement informé, personne ne peut l’être. L’essentiel du pouvoir est aux mains de politiciens qui ignorent la science et de scientifiques à la botte des politiciens.

La principale qualité d’un scientifique devrait être, ainsi que le démontre cette parodie, non pas l’intelligence – quoiqu’elle soit indispensable – mais l’honnêteté. Sans l’honnêteté pour structurer le travail de recherche, vous n’avez plus affaire à un scientifique mais à un manipulateur. C’est d’une grande audace que de se comporter ainsi et de qualifier ses opposants politiques d’ennemis de la science.

En fin de compte, les pouvoirs publics qui choisissent de ne pas considérer l’avortement comme facteur de risque ne sont pas différents de, disons, ces médecins du temps passé qui refusaient de reconnaître que le lavage des mains puisse avoir un effet protecteur, même après l’accumulation de nombreuses preuves.

En établissant ce parallèle, le bioéthicien Fr. Tad Pacholczyk raconte ce qui s’est passé dans les années 1840. Un docteur novateur de Vienne a recommandé le lavage des mains avant d’examiner une femme enceinte ou de procéder à son accouchement : consécutivement, la mortalité par fièvre puerpérale a considérablement chuté. Cependant, cet homme de science a rencontré des résistances, a subi la déconsidération professionnelle et a finalement été viré de l’hôpital où il travaillait. 2

Les découvertes de la science sont trop nombreuses pour être énumérées. Il en est de même, semble-t-il des promesses et revendications des politiciens. L’Eglise Catholique a une revendication audacieuse et qui lui est propre : être la servante <> ainsi que le proclamait Paul VI en clôturant le concile Vatican II.

Je ne sais pas ce que pensent les non-catholiques de cette formidable revendication. Mais, la théologie mise à part, quand on est aux prises avec cette grave maladie alors que des indices la laissaient présager, en toute honnêteté, qu’est-ce qui révèle un véritable amour de l’humanité : négliger des facteurs de risque avérés ou les prendre en compte ?


http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/selective-science-and-breast-cancer.html

  1. NDT : Au cours d’une grossesse, les cellules du sein se transforment pour pouvoir produire du lait lors de la naissance du bébé. Si la grossesse est interrompue, de façon naturelle (fausse couche) ou artificielle (IVG), les cellules restent à un stade intermédiaire, ce qui les rend plus susceptibles de devenir cancéreuses.
  2. NDT : Il s’agit du docteur Ignaz Semmelweiss. La pensée que tant de jeunes mères mouraient en couches alors qu’on pouvait l’éviter lui ayant brisé le coeur, ses honorables confrères ont réussi à le faire passer pour fou et à persuader son épouse de le faire interner. Il mourra un peu plus tard d’une infection qu’il avait contracté en se blessant lors d’une autopsie.