C’est un fait peu connu qu’il y a différentes sortes de sciences et donc de « scientifiques », et non pas l’unique sorte de science présentée par les tabloïds créateurs de mythes ou par certains scientifiques pontifiants.
Mes honorables lecteurs ont peut-être déjà entendu cela : en physique nous sommes dans un univers totalement différent de celui occupé par la sociologie. Et même partant de là, il y a un autre plongeon létal vers, disons, les « études féministes », dont les adeptes prétendent qu’elles sont scientifiques également.
Alors qu’aucun mathématicien instruit ne clamerait que son sujet d’étude est une science. Il est entièrement détaché des choses matérielles, et même dangereusement. Plus léger que l’éther, il flotte au-dessus du sub-lunaire jusqu’au pur empyrée, et même au-delà des étoiles. Les mathématiciens ne portent même pas de blouse de laboratoire, excepté sur les photos destinées aux campagnes de récolte de fonds. (J’en ai vu récemment un exemple.)
Tout le monde a besoin d’un financement, bien sûr, pour réaliser ce qui n’a pas de valeur commerciale. Je n’ai aucune objection aux donations au Grand Collisionneur de Hadrons ou autres joujoux à un milliard de dollars. Ils coûtent ce qu’ils coûtent, et alors que Noël approche nous nous souvenons que les gamins ne peuvent pas se payer ces choses par eux-mêmes.
Je ne fais objection que lorsque quelque gouvernement prend, pour ainsi dire, MON argent pour payer pour SES gamins. Et quand il proclame qu’il y a un besoin urgent pour l’amélioration, exempli gratia, de la science du climat, que je sais être une fraude complète, je pense qu’ils poussent le bouchon un peu loin.
Le prestige de « la science » est tel qu’il se sort d’un scandale après l’autre. Presque toute activité humaine obtuse qui aurait été rejetée par nos ancêtres comme oisiveté cherchant à éviter le travail, et par les mieux informés comme billevesée, peut être rhabillée en « science », gagnant ainsi en dignité. Et il y a actuellement tant de catégories de « sciences » que l’observateur, tentant de les classer, ne peut que tomber dans la perplexité.
Il y a la science camelote où des expériences sans fin sont menées pour prouver des choses qui étaient absolument évidentes dès le départ.
Il y a la pseudo-science, où quelque chose de non évident, mais de toute évidence débile est étudié comme si quelque chose pouvait en sortir.
Il y a la science pathologique, où les chercheurs refusent d’abandonner, même alors que les sottises qu’ils ont adoptées se révèlent chimériques, parce qu’ils veulent de toute leur force le résultat impossible à avoir. (Par exemple, la recherche de vie extra-terrestre.)
Il y a la science « culte du cargo », dans laquelle les relations entre causes et effets ont été trop nonchalamment supposées, avec un énorme établissement de recherche bâti dessus, comme les pistes et tours de contrôle de bambou des insulaires des Mers du Sud. (La plus grande partie de la recherche médicale fonctionne ainsi.)
Il y a la science frauduleuse, déjà mentionnée, où la recherche est surtout d’anecdotes trompeuses afin d’effrayer les gens pour qu’ils paient plus d’impôts, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus effrayés du tout, revêtent des gilets jaunes et fassent l’émeute dans les rues de Paris.
Il y a la science zombie (par exemple le néo-darwinisme) dans laquelle une théorie échafaudée au temps de la phrénologie ne survit que grâce à la solidarité universitaire, et rien ne peut en venir à bout.
Et ensuite, il y a les statistiques, ce qui rend difficile de faire une liste exhaustive.
La demi-douzaine de sciences que j’ai nommées, qui compte je pense 90% de l’activité scientifique mondiale, exclut les 9% ou à peu près d’authentiques entreprises scientifiques, qui auraient de la valeur si elles n’étaient pas bâclées.
Richard Feynman a un jour examiné des expériences sur les rats, fort communes dans les années 60, dans lesquelles des « scientifiques » ayant des hypothèses sur le comportement des rats faisaient courir des rats dans des labyrinthes avec de petites portes pour chercher des friandises. Tout ce qui était possible était fait pour les empêcher de deviner quelle porte était la bonne, mais les rats (qui sont conservateurs) continuaient de trouver les mêmes mauvaises portes. Comment faisaient-ils ?
Un chercheur anormalement futé a deviné. Peu importe de rendre les portes indiscernables les unes des autres – jusqu’à éteindre la lumière – les rats se rappellent le chemin parcouru par le bruit de leurs pattes. Ils peuvent « entendre » leur chemin, comme les chauves-souris.
La science n’est-elle pas merveilleuse, s’exclamera l’honorable lecteur, tant qu’il n’aura pas lu la fin de l’histoire. Le chercheur en question a publié sa découverte, insistant pour que les futurs parcours de rats soient effectués sur du sable. Mais après un examen attentif de la littérature sur ce sujet, Feynman a découvert que cet article n’avait jamais été référencé, et jusqu’au jour de son propre article, tous les parcours de rats ont toujours été réalisés de la mauvaise manière.
Et donc toute la littérature sur les parcours de rats ne valait rien.
Ma référence est sa célèbre allocution de rentrée à Caltech, en 1974, qu’apparemment peu de gens ont lue. C’était un appel aux diplômés à maîtriser leur discipline et à arrêter de duper et de se duper eux-mêmes.
Il demandait des normes d’honnêteté dans les sciences qui sont rarement atteintes. Il demandait que chaque article soit si rigoureusement certifié et les erreurs expérimentales si librement confessées qu’un autre observateur soit en mesure de reproduire le résultat précisément et non approximativement.
Même si la science empirique est distincte de la philosophie morale, c’est un théâtre où les principes moraux sont constamment à l’œuvre, depuis le détachement de son propre ego jusqu’aux techniques de collecte de fonds. Car on ne doit pas seulement ne pas se duper soi-même, on doit se garder de duper les autres.
Ou pour le dire autrement – c’est mon article, rien ne m’arrêtera – la science empirique est une discipline religieuse.
Elle ne nécessite pas forcément d’être chrétien, car une fois que nous avons établi la « science moderne » dans l’Occident médiéval, elle était ouverte à tous les arrivants. Mais elle requiert plus que la croyance ou la foi que la réalité sera prouvée intelligible (fondée sur la vision judéo-chrétienne que Dieu est raisonnable et juste). Elle requiert l’humilité face à la Création, la patience et toutes les vertus cardinales au plus haut degré.
Nous devenons désorganisés par la perte de notre religion. Et c’est pour cela que la science véreuse, non seulement est devenue possible, mais inévitable dans le monde qui nous entoure, et nous sommes en chemin vers une auto-destruction « scientifique ».
David Warren est ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens.
Illustration : « L’alchimiste mort » par Elihu Vedder, 1868 [Musée de Brooklyn]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/21/science-in-the-unmaking/