On aurait dû se douter qu’il y avait quelque chose dans l’air. Les Cavaliers ont gagné le championnat du NBA, les Lionceaux ont gagné les Séries mondiales, le Royaume Uni a voté pour quitter l’Union Européenne, et Bob Dylan a reçu le prix Nobel de littérature. Voilà une année qui n’est pas ordinaire.
Après que les Réseaux sociaux aient déclaré, mercredi matin, que Donald J. Trump deviendrait le 45° président des Etats Unis, les paroles du dernier lauréat du Prix Nobel me sont venues à l’esprit : « Il y a quelque chose ici qui est en train de se passer, et vous ne savez pas ce que c’est n’est-ce pas Monsieur Jones ? »
Comme la plupart des intellos, j’ai été pris complètement au dépourvu par la victoire de Trump. Presque tous mes amis – parmi lesquels de nombreux conservateurs autoproclamés- ne soutenaient pas Trump. Ils affirmaient – comme je l’ai affirmé moi-même en plusieurs occasions – qu’il y avait de fortes raisons morales et pratiques de ne pas donner sa voix à Trump (ni à Hillary d’ailleurs).
Nous pensions que du fait des indiscrétions publiques et privées de Trump, de son impulsivité et de son caractère imprévisible, sans mentionner ses remarques assez peu délicates sur les immigrés, son élection serait la ruine du parti républicain aussi bien que du pays. Mais le fait est qu’à peu près aucun de nous n’a pensé qu’il y avait lieu de se préoccuper du pays, puisque nous pensions qu’il ne serait pas élu. Seigneur, nous nous trompions.
Comme le « Mr Jones » de Dylan, nous n’avions pas idée de ce qui s’y passait.. Mes amis et moi vivons dans un milieu culturel équivalent à une communauté gardée et fermée : suburbaine, professionnelle, très instruite, de classe moyenne, mobile et cosmopolite. Nous sommes des personnes qui ont des moyens, et sommes très isolés de la vie quotidienne de la plupart des américains blancs des classes ouvrières, religieux et peu instruits : Ceux dont les votes ont mis Trump en tête en Pennsylvanie, Iowa, Ohio, Michigan et Wisconsin.
Ce sont ceux dont Barack Obama a parlé avec une telle condescendance en 2008 alors qu’il s’adressait à titre privé à un groupe de donateurs à San Francisco :
Allez dans ces petites villes de Pennsylvanie et comme dans beaucoup de petites villes du Middle West, les possibilités de travail ont disparu depuis 25 ans et rien ne les a remplacées. Elles ont subi l’administration Clinton et l’administration Bush, et chaque administration successive a dit que d’une manière ou d’une autre ces communautés allaient se régénérer, mais cela ne s’est pas produit.
Il n’est pas étonnant qu’elles soient alors devenues amères, elles s’accrochent à des fusils, ou à la religion, ou à l’antipathie envers les gens qui ne sont pas comme elles, et leurs frustrations se manifestent par des sentiments hostiles aux immigrants ou au commerce.
Maintenant, c’est à leur tour.
En dépit de ces remarques, Obama avait gagné une bonne proportion de ces « accrocheurs amers ». Apparemment, ils étaient prêts à passer sur les insultes des élites si cela pouvait signifier de meilleures perspectives pour eux et leurs familles. Mais au bout de 8 ans, cela ne s’est pas avéré. Non seulement ils se sont appauvris, mais leurs préoccupations par rapport à l’immigration, à la politique commerciale, la sécurité des policiers, la sécurité nationale, et la liberté religieuse ont été charitablement traitées par leurs « supérieurs » de simples expressions viscérales de xénophobie, fascisme, racisme, islamophobie et haine. Bien sûr, on pourrait toujours trouver parmi eux des gens dont le langage corrobore ces descriptions. Mais à mon avis, parmi la grande majorité d’entre eux, ces inquiétudes sont nées d’un grand amour pour leur famille et leur pays.
Le seul candidat qui semblait répondre à ces inquiétudes et à les prendre au sérieux était Donald Trump. Bien sûr, il était grandiloquent, parfois inintelligible, et utilisait un langage souvent rebutant, agressif sans nécessité, et très offensif. Mais vers qui d’autre pouvaient se tourner ces citoyens ? Hillary Clinton ?
Souvenez-vous, c’est elle qui a dit ceci à propos des supporters de Trump lors d’un rassemblement LGBT en septembre : « Vous savez, pour être grossièrement généraliste, on pourrait mettre la moitié des supporters de Trump dans ce que j’appelle le ‘ panier des lamentables’ . pas vrai ?….Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, Islamophobes – vous les avez nommés. » En condamnant publiquement les accrocheurs amers d’Obama à être dans le panier des lamentables, et en se délectant des rires qui ont suivi, Clinton et son audience qui l’adorait ont bêtement scellé leur sort.
Et ce n’est pas tout, grâce à Wikileaks, les « lamentables » ont aussi jeté un coup d’œil derrière le rideau. Ce qu’ils voyaient, c’étaient des élites – pour la plupart venus des mêmes écoles, du même voisinage, avec le même niveau de vie et les mêmes amis – qui utilisaient leurs relations et leur influence pour donner à Clinton ce qui semblait aux les gens ordinaires des avantages injustifiés. Quand on voit ceux qui se prétendent gardiens de la justice sociale jouer avec le système en faveur de leurs amis, tout en vous appelant, vous et vos voisins des « lamentables » (sans parler du dénigrement gratuit des catholiques), l’indignation semble être la réponse émotionnelle appropriée.
Nous allons bientôt voir si Trump se montrera à la hauteur de deux choses que tout catholique sérieux doit considérer : les nominations à la Cour suprême, et la protection de la liberté religieuse, non seulement dans la forme des mandats HHS (Health and Human Services) du système de sécurité sociale d’Obama contre des groupes comme les petites sœurs des pauvres, mais la pression plus générale du gouvernement fédéral sur les croyants traditionnels qui résistent à la promotion agressive de l’avortement ainsi qu’aux arrangements avec la sexualité humaine intrinsèquement hostiles à leur théologie morale.
J’ai tendance à penser qu’il le fera.
Rien de tout cela ne veut dire que j’ai changé mon opinion sur Trump et sur combien son caractère personnel et son exemple public peuvent affecter le caractère des citoyens de la nation aussi bien que la ligne du parti républicain. Mais sincèrement, j’espère e que je me trompe.
Peut-être que la prise de conscience du Président élu, face à la terrible responsabilité du bureau oval, combinée avec le choix d’excellentes personnes en position de diriger et de conseiller dans son administration, permettront qu’il en résulte un président Trump moins livré à la pratique indisciplinée de ce que Saint Thomas d’Acquin appelait les appétits concupiscents et irascibles.
Qui sait ? L’année où les Lionceaux ont gagné les séries mondiales et où Dylan a reçu le prix Nobel, tout est possible. Comme tout est possible à Dieu, Monsieur Trump, et la nation qu’il va servir, devraient être constamment dans nos prières.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/11/10/the-revenge-of-the-bitter-clingers/