La résurrection ici et maintenant - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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La résurrection ici et maintenant

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Spinoza a soulevé la question: Pourquoi les gens prennent-ils les miracles – les spectaculaires écarts avec les lois de la nature – comme un signe de l’existence de Dieu, plutôt que de prendre les lois de la nature elles-mêmes comme la preuve la plus frappante qu’un Créateur met en place un univers régi par des lois. Mais, comme C.S. Lewis l’a observé, la religion populaire de nos jours semble avoir un aversion pour un Dieu qui ferait des miracles. Après tout, quel sens aurait un Dieu qui suspendrait les lois qui régissent le monde entier pour soulager la souffrance de telle personne, et non pas telle autre, qui pourrait être bien plus méritante.

Pour certains esprits, il peut paraître inconvenant de la part de Dieu de s’engager dans des « effets spéciaux » ! Mais la base de leur aversion, ainsi que le soupçonnait Lewis, est la résistance à la notion de « Dieu vivant », qui s’intéresse aux personnes. Il y a eu un remarquable et tenace appel à la notion d’un Dieu qui se contente de s’harmoniser avec le monde, le soleil, le vent et les étoiles. D’une manière ou d’une autre, cela devient du panthéisme.

La marque curieuse d’une époque élevée en instruction et diminuée en éducation, c’est que cette vision de Dieu doive être considérée comme quelque chose de nouveau, et d’avant-garde. Alors qu’en fait, il s’agit d’une des tentations les plus primitives qui se soient développées parmi les prétentions de la théologie. Comme le remarque Lewis, « Si la religion signifie seulement ce que l’homme dit de Dieu, et non ce que Dieu fait pour l’homme, alors le panthéisme est presque la religion. »

Cependant, et Ronald Knox nous le rappelle par une note brutale, « Ne nous y trompons pas, (Jésus) a revendiqué le droit de faire des miracles et en les faisant, de prouver d’où Il venait , de prouver qu’Il venait droit de Dieu ». Et le miracle absolu était bien sûr la Résurrection.

Comme l’a dit Knox, « ce fut l’apogée de cette série de miracles par laquelle Notre Seigneur a justifié son droit à être l’ambassadeur d’une révélation divine. » Jésus a ressuscité trois autres personnes – outre Lazare, il y a eu la fille de Jaïre, et le fils de la veuve de Naïm. Chacun de ces évènements a été considéré comme un miracle, stupéfiant à sa manière.

Et pourtant, comme le remarque Fulton Sheen, dans cette belle méditation sur cette page Dimanche dernier, la chose curieuse, c’est que la Résurrection a été une surprise pour les disciples. Ils avaient vu ou entendu parler des autres miracles ; pourquoi n’avaient-ils pas anticipé que Jésus pourrait réaliser le même miracle sur lui-même ?

Mais, au long des années, ce que raconte l’évangile s’est bien confirmé, le fait que les apôtres étaient des hommes ordinaires, ancrés dans le monde, complètement dépourvus d’illusions. Il fallait leur montrer les choses. C’est dans un petit passage de Saint Luc que Jésus leur demande s’ils ont quelque chose à manger. Il était là avec son corps, et il avait faim. Ils lui donnèrent « un morceau de poisson grillé, et du gâteau de miel. Il le prit et le mangea devant eux. »

On peut difficilement ne pas conclure que le choc et la surprise qu’ont éprouvés les apôtres n’ont pas été une surprise et une déception pour Jésus. La secousse et la profonde stupéfaction étaient des ingrédients critiques pour transmettre la nouvelle – et la leçon – aux disciples, dans un monde plus étendu, sur la crédulité duquel on ne pouvait pas compter.

J’ai écrit ces lignes le dimanche de Pâques. Les messes débordaient à l’église de Saint Jean le bienaimé à Mac Lean en Virginie. Cette époque est l’une des plus sombres pour les catholiques en Amérique, où l’on voit la politique nous engloutir, et la corruption envahir nos lois. Et pourtant je n’ai pas vu souvent les gens plus heureux et plus optimistes. Les vœux de « joyeuses Pâques » résonnaient de la part d’amis retrouvés, à pied ou en en passant en voiture.

Accentué par les premiers jours du printemps, le sentiment de renaissance était dans l’air, et rien que cela, c’était une sorte de miracle. Le vénérable Fr. Franklin Mac Afee rappela les prétentions qui s’élevaient ici et là d’avoir découvert les ossements de Jésus, en Galilée ou dans les alentours. Il évoqua aussi un homme qu’il avait connu et qui déclarait que pour lui cela ne faisait aucune différence, qu’il continuerait à pratiquer sa foi en allant à la messe. Mac Afee déclara que cette vision des choses était « ridicule » et indéfendable. Si on devait retrouver le corps de Jésus, il déclara qu’il quitterait l’église et que c’est ce que devraient faire les fidèles présents ici le dimanche.

En effet, si la résurrection n’avait pas eu lieu, si Jésus n’était pas qui il avait affirmé être, que voudraient dire tous nos rites, si ce n’est une suite compliquée de pièces de théâtre. Mais la résurrection de Jésus était une promesse pour nous qui étions restés que nous aussi pourrions ressusciter, et, qui plus est, que nous pourrions ressusciter avec Lui, maintenant, ici, de nos jours.

Les textes de Ronald Knox que j’ai cités ici, sont tirés d’une série de sermons qu’il a faits pendant la seconde guerre mondiale, à des filles qui avaient été évacuées au couvent de l’Assomption d’Aldenham Park. Les temps étaient bien plus sombres que les nôtres, Mais Knox a dit à ses élèves qu’elles auraient peut-être l’occasion de vivre dans des temps aussi troublés, « où nous aurons l’impression, nous catholiques que tout ce à quoi nous tenons va disparaître ».
Mais l’Eglise, a-t-il dit, est celle du Christ ressuscité, et jusqu’à la fin des temps, chaque mort qu’elle subit sera le prélude à une résurrection.

Traduction de « The resurrection in our own days »

La Résurrection de Piero della Francesca, 1463