La « résurrection » d'Alep - France Catholique
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La « résurrection » d’Alep

Détruite partiellement pendant la guerre civile en Syrie, la cathédrale d’Alep a continué d'accueillir les chants de la chorale œcuménique Naregatsi, qui se mêlaient étrangement au sifflement des bombes qui s’abattaient sur la ville. De même que durant les six années de guerre, des messes étaient célébrées dans les sous-sols des rares églises encore sur pied. Cette chorale a fait une tournée en France du 12 au 24 octobre. Elle chante pour rebâtir un nouveau toit à la cathédrale maronite Saint-Élie. Si les médias ne parlent plus de cette ville-martyre syrienne, défigurée et vidée de la moitié de ses habitants par un conflit qui a pris fin en décembre 2016, les chrétiens, eux, commencent à revenir, même si leur nombre a été divisé par cinq. Ils sont aujourd’hui près de 35 000. Signes de cette reconstruction des corps et des cœurs que le pape François appelle de ses vœux.
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L’histoire de cette chorale est symptomatique de l’âme syrienne, où se mêlent art et culture millénaires, sensibilité et retenue orientales, engagement et talent lyriques, passion et tragédie. « Cette chorale est née il y a une dizaine d’années, sous la houlette du père Yeghiche Elias Janji, le chef de chœur », raconte Armelle Milcent, permanente de l’Œuvre d’Orient, qui a organisé la venue de la chorale en France. « Ce prêtre est hélas décédé en avril dernier, dans un accident de voiture près d’Homs. Sa voiture s’est disloquée… »

À l’église Saint-Nicolas-des-Champs à Paris, où la chorale se produit pour la première fois, la photo du prêtre est là, disposée sur un chevalet. Dans l’église pleine, plus de 500 personnes sont venues écouter « la chorale de l’Espérance » interpréter le répertoire classique du patrimoine religieux chrétien : des chants grégoriens mais aussi lyriques, Haendel, Bruckner, et l’Ave verum de Mozart. Parmi les neuf hommes et dix-huit femmes qui la composent habituellement, tous n’ont pas pu faire le voyage. « Il nous manquait cinq visas », explique Armelle Milcent.

Sur les chaises de l’église, une petite croix en bois blanc, qui provient de l’ancienne charpente délabrée de la cathédrale Saint-Élie. « J’étais à Alep, il y a quelques mois, la vie commence à reprendre », indique pour sa part Mgr Pascal Gollnisch, le directeur de l’Œuvre d’Orient. « En 2012, la cathédrale a vu son toit s’effondrer, et tout a été détruit à l’intérieur. »

Pour le prélat, d’autres besoins se font jour, comme la nourriture d’abord, ou le travail ensuite. « Ce qu’il faut, surtout, c’est réconcilier les cœurs : il faut que les chrétiens et les musulmans revivent et reconstruisent ensemble. » Avec ses 70 000 donateurs, son association envoie plus de 20 % de son aide à la seule Syrie.

Quant à l’évêque maronite d’Alep, Mgr Joseph Tobji, il est porteur d’un message pour la France : « Message d’espérance, message de paix, pour dire que notre peuple croit encore au Christ, à la résurrection, et que le mal n’a pas le dernier mot. Grâce à Dieu, la vie quasi normale vient de reprendre son cours à Alep. Mais il y a encore beaucoup de défis et de souffrances, comme la pauvreté accrue du fait de la guerre. Et il faut s’occuper aussi des personnes qui sont devenues handicapées. »

Pour lui, l’existence de cette chorale est un petit miracle, car elle a toujours réussi à se réunir, malgré le conflit qui a déchiré le pays. Œcuménique, elle représente, comme le souligne Mgr Tobji, « la diversité des Églises à Alep » : six Églises catholiques, trois orthodoxes et trois protestantes. On peut dire sans exagérer que cette chorale revient de l’enfer. Symbole à elle seule de la « résurrection » d’Alep, et finalement de toute la Syrie.

Comme l’explique, Maria choriste maronite, « nous chantons pour oublier la mort. Nous habitons dans le centre d’Alep. Notre maison n’a pas été touchée, grâce à Dieu. Nous avons beaucoup prié, chaque jour. Et le Seigneur nous a exaucés : je suis heureuse car la guerre se termine… » Anouar, lui, chante depuis une vingtaine d’années. Ce Syriaque catholique était entrepreneur avant la guerre. Économiquement, il a tout perdu. Pour lui aussi, cette chorale a été un port d’attache. Il raconte que pendant la guerre,  il n’y avait plus ni eau ni électricité, mais que « nous allions à la messe tous les dimanches. »