Le livre de Pierre Péan (La République des mallettes, chez Fayard) arrive au moment du scandale des révélations de Robert Bourgi sur le financement des campagnes de Jacques Chirac. Bien sûr, la prudence exigerait de mettre partout du conditionnel, et de rappeler la présomption d’innocence de tous ceux qui sont cités. Mais je connais assez Pierre Péan pour savoir le sérieux de ses enquêtes depuis toujours. Et j’ajouterai : l’efficacité de ses coups. Le journal Le Monde en sait quelque chose. La publication en 2003 de La face cachée du Monde, signée par Pierre Péan et Philippe Cohen, avait provoqué un séisme dont le quotidien ne s’est pas encore remis. La dernière enquête que Pierre Péan a donc menée, non sans difficultés, vise d’ailleurs moins à désigner des coupables qu’à comprendre la logique d’un système. Comment peut-on financer aujourd’hui les grandes formations politiques et des campagnes électorales dont le coût est considérable ? Il s’agit de se créer un véritable trésor de guerre, par tous les moyens… Ne croyons pas à une exception française ! Toutes les grandes démocraties sont touchées par le phénomène. Et, pour ne donner qu’un seul exemple, la campagne présidentielle de Barrack Obama a donné lieu à de vives controverses à propos d’un financement évalué à quelque 779 millions de dollars contre « seulement » 400 pour son adversaire républicain.
Mais en France, comme c’est le cas dans des pays comme la Russie et l’Italie, Pierre Péan met en cause la pratique des rétrocommissions, liées au commerce international. Il s’agit, dit-il, de tirer la manne des contrats civils et militaires. Dans ce but, une oligarchie se constitue avec des réseaux dans les grandes entreprises à capital public, au sommet de l’État et dans les ministères les plus déterminants. Ainsi prend-on conscience de la connivence du fonctionnement de la démocratie avec la captation de l’argent, là où il est à prendre. Bien sûr, il s’agit d’une perversion des institutions. Mais gageons qu’il faudra très longtemps pour que ces institutions correspondent à l’idéal que l’on projette sur elles.