Mercredi 2 septembre 2009
Écoutez l’éditorial :
Commençons par une confidence, qui n’en est pas vraiment une, mais quand même ! Plusieurs années, je fus chargé des affaires scolaires et universitaires au Quotidien de Paris, ce journal malheureusement disparu, que dirigeait le toujours jeune Philippe Tesson. Je tenais cette rubrique avec ma collègue Virginie Le Guay, aujourd’hui en charge de la politique à Paris-Match. Comment avais-je pu être nommé à une telle fonction, moi qui, par principe, reste interdit et allergique face aux manœuvres syndicales qui constituent une bonne part de l’actualité de la très honorable institution régie rue de Grenelle ? Pourtant je réussis à me faire accepter par les dirigeants les plus roués des organisations enseignantes et même par des ministres (de gauche et de droite) dont l’un voulut bien me décorer ! J’en reste encore pantois. Vraiment, il y avait des terrains où je me sentais beaucoup plus à l’aise et je ne suis pas fâché aujourd’hui d’être libéré des commentaires sur les stratégies politico-corporatives et les réformes à répétition, s’inscrivant dans le mythe d’une mirifique et improbable Réforme majuscule, toujours en attente, jamais advenue !
J’ai toutefois retenu de cette expérience plusieurs idées fortes qui me reviennent régulièrement dans les flux de l’actualité. La première, je l’ai déjà formulée, avec le mythe de la Réforme. J’en suis resté à ce que m’avait appris l’auteur d’un essai intitulé tout simplement « De l’école », et que je tiens pour l’un des meilleurs de nos intellectuels, chacun de ses essais constituant un véritable événement de pensée. Jean-Claude Milner, ancien militant maoïste et professeur de linguistique avait écrit, en 1984, des propositions à graver dans le marbre : « Parler d’école, c’est parler de quatre choses : 1/ des savoirs : 2/ des savoirs transmissibles ; 3/ des spécialistes chargés de transmettre des savoir ; 4/ d’une institution reconnue, ayant pour fonction de mettre en présence, d’une manière réglée, les spécialistes qui transmettent et les sujets à qui l’on transmet .» De tels principes sont en effet permanents et indiscutables. Vouloir les remettre en cause, c’est porter le feu à l’école, anéantir son objet, détourner l’institution de sa finalité.
J’admets qu’en prenant position aux côtés de Milner, je m’opposais de front à ce qu’on appelait déjà le « pédagogisme », c’est-à-dire la théorie enchantée qui voulait faire de l’école un petit eden, un lieu de vie quasiment festif, le contraire même de l’institution obstinément vouée aux savoirs et à la transmission. J’ai gardé en mémoire le titre d’une dénonciation virulente et argumentée de ce détournement, à travers une drôle d’image : « Le poisson rouge dans le Perrier ». Oui, on avait même osé faire ça pour satisfaire la créativité de ces chers bambins, conformément à la mode des méthodes dites actives. Je vous laisse deviner le sort pitoyable du poisson rouge introduit dans la bouteille d’eau Perrier. Mais qu’en était-il du sort des enfants voués à pareille pédagogie ? Exagération peut-être, mais il faut parfois utiliser la métaphore pour désigner le problème. A-t-il disparu aujourd’hui?
J’ai posé la question à l’invitée de la matinale de Radio Notre-Dame ce mardi matin, Elisabeth Altschull, professeur d’Histoire-Géographie (en anglais !) au lycée Jacques Decour et auteur d’un livre très engagé (« L’école des egos – contre les gourous du politiquement correct », Albin Michel). Sa grande force est d’avoir connu les dérives du systèmes scolaires américains dont ses parents ont voulu la protéger en la scolarisant en France au tout début des années 70. Or elle a assisté à la diffusion en France de tous les défauts du système américain (qui a aussi de grandes qualités). Elle estime que les séries télévisées un tantinet débiles qui nous montrent ces écoles – où tout est centré sur les relations entre adolescents – est un fidèle et désolant reflet de la réalité d’une institution qui prétend apprendre à vivre mais qui a renoncé à transmettre un savoir. « Acteur de terrain » comme on dit, c’est-à-dire enseignante expérimentée dans une institution qui est paralysée par une superstructure de fonctionnaires non-enseignants, elle ne pouvait que réagir dans le même sens que moi, dénonçant les mêmes maux, qui se sont aggravés depuis vingt-cinq ans. Son expérience de la commission Thelot où elle avait été nommée par Xavier Darcos et dont elle a finalement démissionné ne l’a guère rendue optimiste sur les possibilités d’amendement du système.
Écoutez l’éditorial :
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