Notre confrère Peter Seewald peut s’honorer d’une performance étonnante. Faire parler un Pape émérite, en situation d’apprécier le bilan de son propre pontificat ! C’est vraiment un cas unique, absolument inédit. Mais le livre qu’il vient de publier chez Fayard sous le titre Dernières conversations est mieux encore qu’une performance, c’est un témoignage d’une singulière beauté, parce qu’un homme de Dieu s’y livre en toute humilité, en toute simplicité, faisant confidence de ses sentiments intimes sous le regard du Seigneur. C’est le contraire de l’impudicité. On ne s’en étonne pas de la part du disciple de saint Augustin, l’écrivain qui nous a initiés aux confessions, dans un style qui n’a rien à voir avec celui de Jean-Jacques Rousseau, parce qu’elles se rapportent au dialogue avec le maître intérieur.
Oui, Benoît XVI n’a jamais envisagé sa vie autrement qu’en présence de ce maître intérieur et nous ne pouvons pas être surpris que la décision si importante de sa renonciation ait été prise en sa présence, au secret de lui-même. Il parle de son débat intérieur, avec la conscience de sa responsabilité, de sa gravité « qui réclame l’examen le plus minutieux et doit être pesée encore et encore devant Dieu et devant soi-même ». Le Pape émérite parle aussi de la longue lutte intérieure à laquelle il s’est livré, en étudiant soigneusement les conséquences d’une renonciation pour l’Église et pour l’opinion publique.
On sait quelles réactions furent provoquées par ce geste sans vraiment de précédent, notamment de la part de publicistes qui y virent une sorte de révolution de l’institution. Certains parlèrent de désacralisation de la fonction, pour s’en féliciter. L’ambiguïté de ce terme de désacralisation n’a pas été, sur le moment, suffisamment interrogée. Benoît XVI n’a pas envisagé cette objection, il s’est posé la question d’une interprétation fonctionnaliste de sa décision. La succession de saint Pierre, dit-il, n’est pas uniquement liée à une fonction, elle touche à l’être lui-même. Le Pape n’est pas un dirigeant politique. Sa fonction est liée à une mission qui transforme profondément sa personnalité. On peut même parler d’une structure martyrologique de la primauté pontificale. Celle-ci ne saurait s’effacer, n’en déplaise aux partisans satisfaits de la désacralisation.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 septembre 2016.
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