À regarder hier les cérémonies d’ouverture du 500e anniversaire de la Réforme, en Suède, on ne pouvait se défendre de sentiments complexes. Bien sûr, il y a différents regards possibles sur un tel événement. Mais si on a en mémoire, si peu que ce soit, l’histoire de la Réforme, et tout d’abord de ses commencements, on prend conscience de l’étonnant paradoxe de la présence du Pape de Rome à cet anniversaire. Le drame de la Réforme, c’est tout de même la déchirure profonde de l’Église, avec l’excommunication de Martin Luther et la virulente polémique développée par le Réformateur à l’égard du papisme. Alors, voir une assemblée luthérienne applaudir unanimement le pape François à la place d’honneur, c’est proprement saisissant.
Ce ne peut être un déni global à l’égard du passé, un passé qui demeure à de multiples égards. Les luthériens se sentent toujours vraiment luthériens, héritiers de toute une tradition théologique et même culturelle. Et pour les catholiques, cette tradition demeure comme une énigme à interroger. Le concile Vatican II s’est exprimé à ce sujet : « Les Églises et communautés désunies (…) ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du Salut. » Le cardinal Congar, qui a voué sa vie au rapprochement des Églises, s’interrogeait sur la signification de cette rupture sous le regard de Dieu. Comment intégrer dans la communion de l’Église indivise ce qu’il y avait de profondément authentique dans la réflexion spirituelle des Réformateurs et d’abord de Martin Luther ?
Telle était la conviction de Benoît XVI, qui connaît particulièrement bien la théologie luthérienne. En septembre 2011, au couvent d’Erfurt, où avait vécu l’initiateur de la Réforme, il déclarait : « Ce qui a animé Luther, c’est la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. “Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ?” Cette question lui pénétrait le cœur. » C’est cette interrogation cruciale, déterminante, qui ressort encore aujourd’hui en Suède. S’il s’agit vraiment de retrouvailles de l’Église indivise, nous sommes renvoyés au mystère du Dieu miséricordieux, qui est notre patrimoine commun inaliénable.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 1er novembre 2016.
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