Jean-Jacques Annaud, bien connu en tant que réalisateur talentueux au cinéma, sort un nouveau film « Le dernier loup », qui raconte l’amitié née entre un jeune étudiant chinois et un loup. J’ai été frappé par la formule qu’il emploie dans un entretien au Figaro : « J’ai découvert l’animal qui était en moi. Ce n’est pas l’homme que je vois chez l’animal, c’est la bête que je vois en chacun de nous qui me fascine. »
En soi, cette formule ne me choque pas, car il est incontestable qu’il y a de l’animalité en nous. Une animalité particulière qui imposait au philosophe grec de définir l’homme comme un « animal rationnel », ce qu’il est sans aucun doute, et beaucoup plus encore. Notre proximité avec l’animal peut se traduire par un trouble quasi ontologique. Elle se traduit aujourd’hui par une revendication en faveur de nos frères inférieurs, qui pourrait produire une véritable révolution morale.
J’ai sur mon bureau le livre de Mathieu Ricard, ce moine bouddhiste fils d’un philosophe français rationaliste. Il est intitulé Plaidoyer pour les animaux et prône ce qu’il appelle « une bienveillance pour tous », qui devrait, en fait, déboucher sur la fin de toute consommation de viande animale. Mathieu Ricard ne procède pas en philosophe, il s’adresse à ses lecteurs en moraliste qui veut susciter l’horreur face aux souffrances que l’humanité fait endurer aux animaux.
Je ne puis résoudre une telle question en quelques phrases. Je dirais simplement que je respecte le combat de Mathieu Ricard, qui était aussi celui de mon ami Jean Bastaire. Je souhaite qu’on revienne sur le problème philosophique de notre proximité et de notre différence, en souhaitant tout de même qu’on prenne garde de ne pas effacer ce qui fait le propre de l’humanité. Car j’observe par ailleurs, dans certains courants extrêmes, un déni de différence ontologique qui tourne au procès d’un espace éthique, spirituel propre à l’homme. Nikos Kazantzakis, le romancier grec, fait dire à un de ses personnages : « Je n’étais donc pas fils de Dieu, mais fils de singe ? » Non, je suis bien fils de Dieu, et c’est ce qui me donne, notamment, une obligation particulière à l’égard de la création.