La Providence - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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La Providence

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Introduction

Ce mot de providence recouvre plusieurs questions d’importance : le gouvernement divin, la place de la liberté des êtres humains, la prière de demande, et surtout le problème du mal. On peut y ajouter l’action sanctificatrice de Dieu par la grâce du Christ et la lutte contre le péché.
Nous nous contenterons d’aborder le point suivant : le rôle du Créateur dans la création continuée, c’est-à-dire la compatibilité de l’action de Dieu avec les causes qu’il a mises en place dans sa création, y compris les libertés humaines.

Le mot de providence, en grec Πρoηοια (pronoia) provient de la pensée stoïcienne mais est utilisé trois fois dans la Bible : deux fois dans la Sagesse (14,3 et 17,2) et une fois dans le NT, en Actes 24,2, chose curieuse dans la bouche du païen Tertullius complimentant Félix de son action. Mais nous allons voir que la réalité occupe beaucoup plus de place.

– I – Ancien Testament

Essayons de détecter dans cette longue histoire les actions spécifiques de Dieu.

Après le déluge, Dieu veut, à la suite de Noé et du déluge, recréer une nouvelle humanité qui soit plus réceptive à ses bienfaits. L’histoire subséquente montrera que ce plan a été contrecarré par la persistance du péché.

Abraham nous fait découvrir le dessein d’élection, mais son histoire est autant jalonnée de gestes de reconnaissance (« Là, il établit un autel au Seigneur… ») que de roueries, faire passer sa femme pour sa sœur (Genèse 12,13). Avec le sacrifice d’Isaac, (la tradition juive dit la ligature, puisqu’il n’a pas été sacrifié), nous sommes face à un autre problème : Dieu veut-il la mort ? En l’occurrence, il est clair que Dieu veut l’obéissance et non la mort, même si la demande divine semblait l’inclure. Plus largement, nous sommes invités à ne pas voir la mort comme seule solution possible. C’est notre perspective trop étroite qui nous le fait penser alors que le dessein de Dieu est plus nuancé.
La longue histoire de Joseph, avec l’attitude pécheresse de ses frères, montre la manière dont Dieu se joue des insuffisances, pour ne pas dire des péchés, des hommes pour poursuivre son dessein.

Même s’il y a un long sommeil durant les siècles d’esclavage en Égypte, le dessein bienveillant de Dieu va prendre une forme précise et définitive avec Moïse et la constitution du peuple élu. Le long compagnonnage de Dieu et de ce peuple au désert va être la source inépuisable de la compréhension, parfois difficile, à cause des égarements du peuple, de la volonté de Dieu. Tous les épisodes de cette errance, seront exploités tant pas le NT que par les Pères de l’Église, comme une série d’exemples d’interaction des hommes dans leur errance et de Dieu dans son obstination à former ce peuple à la docilité.

L’histoire du peuple en Terre Promise va multiplier les exemples de cette interaction entre Dieu et les hommes qu’il choisit. Les Juges ont une mission, mais aussi leur faiblesse : Samson se confie imprudemment à Dalila. David montre beaucoup de qualités pour devenir un roi selon le cœur de Dieu, mais cela n’empêche pas son péché. La splendeur de Salomon, que le Christ souligne, ne masque pas sa faiblesse face aux cultes idolâtriques de ses épouses étrangères et cela marquera sa succession. Tout le livre de Samuel est une démonstration de la volonté de Dieu, inlassablement remise en cause par ses agents. Un envoyé de Dieu, Juge, Roi et même prophète, n’agit pas selon un décret imposé de l’extérieur, mais il agit avec ses pulsions, pour ne pas dire ses passions et même ses erreurs. Il collabore cependant au plan de Dieu. D’où l’inévitable ambiguïté, qui permet parfois des lectures contradictoires.

Plus avant dans l’AT, nous pouvons souligner deux traits de cette action divine : elle ne néglige pas les autres nations : Job n’est pas dans l’Alliance, Jonas va à Ninive, la grande ville païenne, et les prophètes prononcent des oracles contre les nations ; elle a un caractère personnel au sens qu’elle veut le bien soit de la personne en question soit des personnes qui constituent le peuple, et pas seulement un ordre objectif, cosmique par exemple, comme le voulaient les stoïciens.

– II – Nouveau Testament

* L’enseignement de Jésus dans les Évangiles fait une grande place à la Providence, mais sans employer le mot. L’Évangile de Matthieu regroupe dans le chapitre 6 des exhortations à ne pas s’inquiéter. Jésus demande « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et le reste vous sera donné par surcroît (v.33). » Il y a aussi 10,26, les cheveux et les moineaux, pour montrer que l’être humain a du prix aux yeux de Dieu. Sans oublier cet intérêt de Dieu pour toute créature, lui qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes (5,45). Il faut aussi compter avec « l’ennemi » qui contrecarre le dessein bienveillant de Dieu (paraboles du semeur et celle du bon grain et de l’ivraie). Jésus lui-même se sait l’objet de la bienveillance du Père.

* Actes 2.23 emploie le terme pronoia dans le sens de la prescience de Dieu dans les affres de la Passion. Ces événements arrivent parce que Dieu les avaient prévus. De même en Actes 4,28.

* Paul, par sa docilité à l’esprit, lors de la destination de ses voyages, ne parle pas de Providence, mais s’en remet au souffle de l’Esprit : songe pour passer en Macédoine, premier pas en Europe, en 16,9, ou interdiction de poursuivre en Bithynie, en 16.7, sans oublier les épreuves prévues à Jérusalem, 20,22 et 21,4.

Dans ses écrits, l’Apôtre n’en fait guère état, sauf peut-être en Colossiens 2,8, où il met en garde contre ceux qui veulent régler leur conduite non pas sur le Christ mais sur les forces qui régissent le monde ; de quelles puissance célestes parle-t-il exactement ?

Éphésiens 1,4 : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus, le Christ » n’est peut être pas une allusion au gouvernement divin mais plutôt à notre sanctification.

Les écrits néo-testamentaires s’intéressent avant tout à ce qui est advenu avec Jésus, et ils sont très loin du concept de pronoia et du gouvernement rationnel du monde. Mais le christianisme hellénistique l’adopta vite, comme l’avait fait le judaïsme hellénistique. Cela était peut-être déjà fait à l’époque de Paul ou peu de temps après en tout cas. Quoiqu’il en soit, le premier document chrétien qui l’emploie, sans doute en 95-96, est la lettre aux Corinthiens de Clément de Rome. (Gennaro Augetta dans DCT, col. 950)

– III – La Tradition

* Pour les Pères de l’Église la notion de pronoia occupe une place centrale en particulier pour s’opposer au fatalisme qui régnait dans l’Antiquité.
Clément de Rome, lorsqu’il écrit aux Corinthiens, développe la beauté et l’harmonie du monde, à la manière des stoïciens, et dit en cherchant des analogies de la résurrection :

Observons, mes bien-aimés, comment le Maître nous représente continuellement la future résurrection dont il a donné les prémices dans le Seigneur Jésus Christ, quand il l’a ressuscité des morts……Comment les semailles se font-elles ? Le semeur sort pour jeter en terre les différentes semences ; celles-ci, toutes sèches et nues, tombent dans le sol pour s’y perdre, mais de leur dissolution même, la magnifique providence du Maître les fait lever à nouveau, et l’unique graine se multiplie et porte fruit (§ 24).

Origène, élève de Clément, et influencé par les stoïciens, affirme que toutes les créatures existent pour l’homme, et aussi : « le monde existe grâce à la providence » ; lorsqu’il parle de la prière, il n ‘oublie pas la prescience de Dieu : va-t-on faire changer d’avis Dieu ? non car il connaît par avance notre prière .
Denys le Mystique, lui aussi à propos de la prière de demande, la compare à une corde : on pense qu’elle fait descendre le ciel, alors que par elle nous montons au ciel.

Augustin : « J’ai toujours cru que tu existais et que tu prenais soin de nous » (Confessions V, 5,7). En réfléchissant au devenir de l’Empire romain (Cité de Dieu, V, Xl), il énumère les qualités et les actions du Dieu créateur pour conclure : « Ce Dieu, il serait absolument inconcevable qu’il ait voulu laisser les royaumes des hommes, leurs dominations et leurs servitudes, hors des lois de sa Providence. » Pourtant, Augustin n’a pas l’idée d’une action de la providence dans l’histoire. Il ne s’en sert que pour élucider le cas de l’Église et de l’appel des élus. Enfin, il affirme que la beauté des choses créées témoigne de la Providence, double référence à Plotin et à Matthieu 6,28ss.

Maxime le Confesseur s’interroge sur la liberté divine. En voyant comme l’histoire du salut est tissée d’initiatives humaines négatives (les frères de Joseph, Judas) ; il conclut qu’il faut donner au concept de liberté divine un sens analogique, qui ne rejoint pas le sens que nous donnons à ce mot dans notre expérience humaine.

Thomas d’Aquin, à cause de son héritage aristotélicien, et pour éviter le manichéisme (un dieu du mal à coté d’un dieu du bien) va mettre en avant l’analyse de la causalité. Dieu est la cause de tout. Tout ce qu’il a fait est bon, y compris de ce qui est éloigné de sa volonté. Exemple, l’enfant adultérin, même né d’un péché, existe par sa volonté créatrice, relayée par les lois de la nature. Thomas doit alors distinguer ce qui existe par Dieu et ce qui existe contre Dieu. Cette référence à la causalité va encore être appauvrie quand on isolera la seul cause efficiente, au détriment des autres causes : finale ou formelle.

La théologie du 17° siècle va distinguer la volonté positive et la permission, sorte de volonté seconde, ou indirecte. On tirera partie de l’action de Jésus qui choisit ses Apôtres mais qui ne peut que constater qu’ils ne sont pas forcément plus ouverts au plan du Père : « Jusqu’à quand vous supporterais-je..….L’un de vous me trahira. »

Les siècles suivants vont voir une remise en cause radicale de ce schéma de causalité, que ce soit Voltaire, à propos du tremblement de terre de Lisbonne, que ce soit le 20° siècle avec l’horreur d’Auschwitz. Cela va forcer la théologie à trouver des ressorts plus profonds pour scruter ce mystère. Fausse piste avec Leibniz qui inventera la notion de mal métaphysique, être simplement créature serait déjà un mal !

– IV – Réflexion théologique

* Quelques remarques méthodologiques
Il nous fait d’abord donner congé aux essais philosophiques, pour laisser la place à la foi.

L’utilisation de la causalité n’a pas rendu service car elle a voulu scruter un dessein caché et insaisissable. Nous voulons enserrer les « faits » pour bâtir une logique nommée philosophie de l’Histoire. Mais celle-ci a fait l’impasse sur l’initiative de Dieu, que ce soit l’élection d’Israël et surtout l’incarnation du Fils qui ne peut s’inscrire dans aucune logique humaine. Il faut donc remplacer ces déductions par un acte de foi en Dieu qui à la fois gouverne le monde et pourtant ne veut pas le laisser à une pure mécanique des lois qu’il a fixées.

Dieu, d’une part, n’est pas cru parce que sa providence serait patente ; l’affirmation croyante de Dieu, d’autre part, ne rend pas sa providence patente. Il n’y a providence que pour la foi, laquelle ne voit pas ce qu’elle croit. (Lacoste in DCT, col. 951)

Nous parlons de Dieu « Seigneur de l’histoire ». Il l’est non seulement parce qu’il annonce une fin, un eschaton, mais parce qu’il la fait approcher par la Résurrection du Christ. Celle-ci vient bousculer les causalités dans les quelles nous voudrions nous réfugier. Cela nous oblige à réviser notre notion de « volonté de Dieu ». Quand nous prions en disant : « Que ta volonté soit faite » il se glisse dramatiquement la constatation que c’est la liberté des hommes et leur volonté qui se fait.

(Nous devons admettre) que la volonté de Dieu est effectivement que sa volonté puisse ne se faire qu’obscurément dans l’histoire où se fait spectaculairement (et brutalement) la volonté des hommes. (id. col. 951 b)
Autre approche : remplacer la notion de puissance ou d’impuissance de Dieu. En effet, nous sommes obligés d’assortir ces notions d’affirmations telles que la permission d’un mal pour un plus grand bien, ce que Dieu nous interdit formellement. La réalité qui nous éclairera est l’affirmation non seulement qu’il y a de l’amour en Dieu, mais que Dieu est amour. On en tirera quatre conséquences :

— passer d’une puissance absolue, à une puissance ordonnée ; car il ne convient pas à l’amour d’être absolument puissant ;

— qui dit amour dit don, et la création est un don d’amour, mais il comporte en lui, positivement la reconnaissance et la louange, négativement de s’exposer au refus ;

— le seul don que l’homme ne puisse refuser est celui de l’être. En constatant cela, la révolte guette ou au contraire la compréhension de la bonté de ce don, chemin vers un discernement d’une intention et d’une prévoyance divine ;

— Le Bien donne par-delà puissance et impuissance. Par-delà la puissance, parce qu’il veut une communion qui exclut toute contrainte et qu’il subordonne sa causalité à sa bonté. Mais par-delà l’impuissance, parce qu’il a promis de juger le monde, et que ce jugement, pour qui a des yeux pour croire, s’exerce déjà sur le présent du monde. (id.)

La solution est de tout référer à la croix et à la résurrection dans lesquelles se manifestent tant l’impuissance que la puissance divine. Nous sommes donc renvoyés à une espérance, à la fois contemplation de l’immense énigme de la croix, et certitude que Dieu seul a la clé de ce qui est bon pour nous.

* Création et Providence

Quand nous parlons de création nous disons à la fois l’élan initial qui a fait être ce qu n’était pas mais aussi la volonté de maintenir dans l’être ce qui a été voulu au premier jour. En ce sens Dieu ne cesse de créer. Certains parleront de création continuée.

Parler de providence fait intervenir un autre élément : la liberté des créatures humaines. C’est cette activité libre qui peut refuser l’initiative divine, sauf, nous le disions plus haut celle d’être, mais Dieu poursuit quand même un dessein d’amour qui ne peut être lisible que si on admet la bienveillance divine et non si on met Dieu en accusation. Ni révolte qui n’aboutit à rien, ni soumission qui dénierait notre liberté, mais collaboration dans l’amour.

* Dieu et la « permission » du mal

On a vu ce que ce mot de permission a de dangereux. Disons plutôt que Dieu est capable de « plan B ». Quand l’homme s’enfonce dans le péché et le mal, Dieu semble se retirer alors qu’il met en route d’autres évènements pour que l’homme puisse aller vers le bien. L’Histoire Sainte abonde dans ce genre de faits, souvent exprimés de manière très humaine : Dieu qui se fâche, Dieu qui se repent, Dieu qui revient vers le peuple….On a à l’esprit la mise en scène du début du livre de Job où Dieu limite les dégâts de l’adversaire (le satan).
On pourrait même dire que la mort, un mal aux yeux de Dieu, est là pour imposer une limite aux conséquences funestes des actions humaines (Saint Grégoire de Nysse).

La Révélation est surtout attentive à l’itinéraire individuel. Romains 8 détaille ce dessein bienfaisant en faveur de celui qui croit.

* Prière de demande

Jésus l’encourage (discours sur la montagne). Mais il nous apprend que par elle nous ne voulons pas changer Dieu et ses projets, mais de trouver l’accord avec ce que Dieu veut de bien pour nous. Pourquoi la prière d’un saint semble plus efficace ? Justement parce qu’il a mis tout son être à l’unisson de Dieu. Imprégné de ce dessein d’amour, il est plus capable de présenter les besoins réel de ses frères humains. Au sommet, il y a la prière du Juste entre les justes, qui, au dire d’Hébreux 7,25 « est toujours vivant pour intercéder en notre faveur. »

Conclusion

Passons d’une vision « mécanique » de la Providence, à la vision mystique d’un Dieu qui veut notre bien mais qui reste le Dieu dont les détails de son dessein d’amour nous sont souvent scellés.

Assiste tes enfants, Seigneur, et montre à ceux qui t’implorent ton inépuisable bonté. C’est leur fierté de t’avoir pour Créateur et Providence ; restaure pour eux ta création, et l’ayant renouvelée, protège-la.