Il est difficile d’éditorialiser en plein drame. Pourtant, nous commençons, hélas, à avoir une certaine familiarité, chez nous, en France, avec les tragédies provoquées par le terrorisme. Mais nous sommes toujours dépassés par la démesure de la violence et de la souffrance au point de rester inerte un certain temps devant l’évidence crue du meurtre, froidement accompli. Le sens du métier doit reprendre le dessus, et c’est alors qu’on se retrouve comme divisé en soi-même, entre le souci métaphysique et le souci politique. Souci métaphysique et même religieux, car on ne peut pas échapper à l’énigme du mal, de ses causes, de l’état de possession que suppose l’accomplissement du meurtre. Quelles puissances peuvent anesthésier la conscience au point de la rendre insensible à une telle réalité sanglante ? En guerre, lorsque le militaire ou le résistant se doit de tuer l’ennemi, je ne doute pas qu’il soit rempli d’un effroi sacré. C’est, probablement, cet effroi qui manque au terroriste, surtout lorsqu’on l’a persuadé qu’il obéissait à un décret du Ciel.
Mais il y a aussi le souci politique qui s’impose impérativement. Psychologiser et philosopher peuvent éloigner de la décision à prendre. Au plus vite, il faut prendre toutes les mesures aptes à protéger la population de la terreur. Et pour cela, il faut bien se blinder, d’une certaine façon être impitoyable. Toute faiblesse face à la menace devient criminelle. Quelques confrères n’ont pas eu tort d’incriminer une sorte de retrait du monde, peut-être d’ataraxie au sens des Anciens, celle qui soigne les maux de l’âme mais laisse libre l’adversaire d’occuper le terrain et d’imposer sa domination. En ce moment, aux États-Unis, à propos de la tragédie d’Orlando, la bataille politique fait rage entre ceux qui incriminent le commerce des armes et ceux qui reprochent au pouvoir de n’avoir pas mené le vrai combat contre l’adversaire djihadiste. Quelles que soient les solutions choisies, il faudra juguler concrètement la menace.
Reste que la politique ne saurait abolir la mystique, pour reprendre les termes de Péguy. Sinon, nous serions hors humanité. Une maman dont la fille a été tuée au Bataclan écrivait : « La miséricorde gagnera, c’est à nous de la mettre en place dans nos vies de tous les jours. À nous de la partager et de la faire vivre aux autres. »1
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 juin 2016.
- (Cardinal Philippe Barbarin, Les conférences de Carême de Fourvière : La miséricorde de Dieu sera-t-elle victorieuse?, Parole et Silence).
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vous avez dit « violence catholique » ?
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte