Dans un entretien télévisé, il y a quelques jours, le cardinal Barbarin racontait que, lors du conclave de 2005, il avait pour voisin de chambre un cardinal d’Amérique centrale, le cardinal Quezada Toruño du Guatemala, qui lui avait raconté toutes ses tribulations dues aux remous politiques de son pays. L’archevêque de Lyon en avait conçu beaucoup d’estime pour ce collègue qui avait eu à gérer des situations très périlleuses pour son peuple. Mais il en a toujours été ainsi. L’Église n’entend plus du tout être partie prenante du jeu politique, mais elle ne peut y être indifférente puisqu’elle est au plus proche des joies et des douleurs des hommes et des femmes. Et puis elle peut être elle-même la victime du pouvoir, notamment sous ses formes totalitaires. On rappelle en ce moment le soixantième anniversaire de la mort de Joseph Staline. Comment oublier le long martyrologe des chrétiens, notamment orthodoxes, de cette période tragique ? De même, il y a cette année quatre-vingts ans qu’Hitler prenait le pouvoir, et ce fut une autre tragédie du XXe siècle.
L’Église y fut confrontée à un système inhumain. Le pape Pie XI dans deux encycliques mémorables, Divini Redemptoris et Mit Brennender Sorge, avait condamné de la façon la plus ferme les deux plus grands systèmes totalitaires du XXe siècle. On sait le faux procès qui fut lancé contre la personne de son successeur Pie XII, dont les vrais historiens ont établi qu’il fut l’adversaire le plus déterminé d’Hitler en même temps que le plus secourable à l’égard du peuple juif. Le seul responsable mondial qui se soit vraiment engagé dans le drame de la persécution nazie, au-delà de toute prudence, contrairement à ce qui a été prétendu dans des pamphlets mensongers et haineux.
Le face-à-face avec le politique s’est poursuivi depuis la guerre, selon diverses formes. Qu’on le veuille ou pas, chaque pape, chaque pasteur doit se déterminer par rapport à des choix de civilisation, des décisions de grave portée morale. La situation d’un évêque d’Amérique latine, par exemple celle du Venezuela d’un Hugo Chavez, n’est pas celle d’un pays occidental libéral. Mais en tout état de cause, la neutralité n’est pas permise. Le prochain successeur de Pierre devra avoir cette dimension politique supérieure qu’ont eue beaucoup de ses prédécesseurs, pour servir le bien concret de l’humanité, nullement indifférent à sa destinée surnaturelle.
Chroniques lues sur Radio Notre-Dame le 7 mars 2013.