Faut-il revenir sur la polémique qui est intervenue à propos du chemin de croix du Colisée, Vendredi saint ? On sait que ce soir-là, pour l’avant-dernière station, celle de la mort de Jésus sur la croix, deux jeunes femmes, une Russe et une Ukrainienne, ont porté ensemble la croix face à l’immense assemblée réunie dans le site célèbre. Il s’agissait de deux infirmières qui se connaissaient très bien au demeurant. On devine l’intention : manifester ainsi leur solidarité dans la foi pour anticiper la réconciliation en laquelle elles mettent tous leurs espoirs.
Cette initiative était-elle trop prématurée ? On sait qu’elle a été critiquée à Kiev et l’on comprend les raisons d’un gouvernement qui doit faire face à une offensive armée qui endeuille son pays dévasté. On aurait préféré l’affirmation d’une solidarité sans faille alors que l’Ukraine s’est trouvée agressée et lutte pour sa survie. Mais cette solidarité François n’a cessé de l’affirmer depuis le début de la guerre. Il l’a réitérée de la façon la plus formelle dimanche de Pâques sur la place Saint-Pierre.
Néanmoins, il n’a pas cru devoir renoncer à cette initiative dont on peut dire qu’elle est de nature prophétique. Le mieux d’ailleurs était de faire silence sur le moment. Les responsables du chemin de croix ont préféré omettre le texte qui devait être rédigé pour cette station. Les deux amies ont donc porté la croix dans un silence d’autant plus impressionnant qu’il sous-entendait tout le drame ukrainien. Silence beaucoup plus éloquent que toutes les gloses possibles. Mais cette image demeurera dans les mémoires. Au-delà de toutes les haines et de toutes les catastrophes, la croix apparaît comme le signe qui contredit l’enchaînement de tous les malheurs. Le mal tout court est un scandale qui est au cœur de la condition humaine. Seule la croix le défie, dans l’attente de la lumière définitive du Ressuscité. Et finalement nos amis ukrainiens ne devraient pas prendre pour une offense ce qui est un signe d’amitié et de réconfort.