On ne cesse ces dernières semaines, ces derniers jours –au sommet du G 8 à HEILIGENDAMM- de parler du déploiement du « segment » européen du bouclier antimissiles américain impliquant la Tchéquie et la Pologne.
En effet WASHINGTON a officiellement demandé le 20 janvier 2007 à la République Tchèque et à la Pologne d’accueillir respectivement une station radar et des intercepteurs de missiles pour parer à d’éventuelles attaques en provenance de l’IRAN.
On peut dire que, pour les Etats-Unis, il s’agit – avec la poursuite du déploiement de leur bouclier antimissile – de conforter le « cœur » militaire de leur hyperpuissance.
Les Etats-Unis cherchent de toujours à se doter d’une « défense sans impasse » assurant au mieux l’invulnérabilité de leur territoire continental. Le rêve des américains est bien dans cette perspective de conserver leur « épée » –le « nucléaire »- tout en se dotant d’un « bouclier », d’une « carapace » –c’est le système antimissiles qui doit garantir encore davantage le sol de l’oncle SAM-, afin que leur territoire soit et reste complètement inviolable. En d’autres termes, il ne s’agit donc pas –avec le bouclier antimissile- de remplacer la dissuasion vue comme « sanctuarisation », mais de la compléter si possible pour parvenir –grâce au projet d’une défense antimissiles vue comme de la « super-sanctuarisation »- à une défense globale et complète, réduisant à terme la vulnérabilité du territoire américain à toute agression balistique externe, hier celle des fusées de l’Union soviétique ; demain ou après-demain, il pourrait s’agir des fusées balistiques intercontinentales des « pays voyous » de « l’axe du Mal » (IRAN, Corée du Nord, …) et dans quelques années, plus sûrement, de la Chine, la future super-puissance, au centre des préoccupations stratégiques américaines et sans doute la vraie cible cachée du projet de bouclier antimissiles américains.
Il convient donc –au nom d’une version stratégique du principe de précaution- de continuer à développer, parmi les toutes premières priorités, « la Missile Défense » afin de rendre les Etats-Unis invulnérables de façon asymptotique, à la menace politique et stratégique des armes de destruction massive. A dire le vrai, le boucler antimissile américain, qui continue à se mettre en place afin d’assurer le renforcement de la protection de leur territoire national, est conçu dans une perspective de plus en plus « offensive » : les Etats-Unis entendent passer en effet de la « dissuasion » (« deterrence ») à l’action « préventive » (« préemption ») : c’est la doctrine des « frappes préventives », de la guerre « pré-emptive » ou « préventive » de l’Administration BUSH.
Dans ce cadre, la défense antimissiles est perçue –le concept de « sanctuarisation agressive » est utilisé par certains en ce sens- comme l’outil qui doit permettre aux Etats-Unis de frapper comme ils l’entendent à travers le monde : l’IRAK, la CHINE, … ?… sans craindre en retour de représailles graves. Bref, le bouclier antimissiles permet de substituer au concept et au scénario de la « destruction mutuelle assurée » (MAD) –où l’équilibre des forces en présence interdit aux adversaires la possibilité d’une attaque préventive suivie d’une riposte de même grandeur ou supérieure- le concept de « destruction unilatérale assurée » (DUA) ; en un mot, il devient le complément nécessaire à la « prospection de forces militaires », autrement dit de la capacité des ETATS-UNIS de porter tout de suite la bataille sur le sol ennemi sans exposer son propre territoire à un nouveau chantage.
On perçoit mieux ainsi le rôle clef que joue et doit jouer demain le bouclier antimissiles pour les Etats-Unis, qui avec cet outil d’une supériorité absolue et définitive, visent désormais la suprématie dans la défense plutôt que l’égalité dans la dissuasion. L’oncle SAM est devenu –suite aux changements géo-stratégiques de 1989-1991 : effondrement et dislocation de l’URSS, …, « l’hyperpuissance », dans une situation de domination et de suprématie sans partage. Depuis, cette hyperpuissance américaine cherche à confirmer voire à amplifier cette hégémonie et cette supériorité en toute hypothèse, dans toutes les situations, pour toutes les formes de menaces et de conflits, en s’érigeant le droit –dans le cadre d’une stratégie offensive d’action préventive- de ne tolérer aucun rival (« no peer competition »). On comprend mieux dans cette perspective la place centrale -c’est bien le « cœur du cœur »- de la défense antimissile de territoire puisque tout en continuant à perfectionner leur « épée » -conventionnelle, mais aussi nucléaire-, les Etats-Unis, se donnent –en construisant et en déployant leur bouclier- une asymétrie, une supériorité absolue : on sort bien de la dissuasion mutuelle habituelle et de la parité nucléaire- ; les américains se donnent –avec le bouclier- les moyens d’approfondir leur leadership et leur unilatéralisme.
Pierre PASCALLON