La philosophie des Peanuts : Sachant ce que nous savons maintenant. - France Catholique
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La philosophie des Peanuts : Sachant ce que nous savons maintenant.

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Schall n’est pas le premier à soutenir que Charles M. Schulz, auteur des célèbres Peanuts était un penseur de première force et un théologien. Il est plus facile à lire que la plupart des philosophes et des théologiens. Ce qui est une vertu pourvu qu’on dise la vérité des choses.

Linus et Sally sont dans un champ. Elle le regarde perplexe. Il fait remarquer que « la vie est bizarre. » Dans la scène suivante, il fait cette réflexion : « – Est-ce que tu n’aimerais pas vivre ta vie en sachant préalablement ce que tu sais maintenant ? » Dans la troisième vignette, Sally et Linus regardent en silence l’horizon, réfléchissant à cette profonde observation. Finalement, Sally demande à un Linus impassible : « – que sais-je maintenant ? »

Des philosophes, d’Aristote à Heidegger, se sont posé la même question : « que sais-je ? » Est-ce que la vérité dépend de la chronologie ? Sally, même avec son expérience limitée ne s’inquiète pas de continuer à vivre sa vie, mais de devoir le faire avec un savoir limité.

Ultérieurement, Linus et Sally, dans une verte prairie, regardent le ciel. Elle demande :« – à quelle hauteur sont les nuages, Linus ? » Linus, une sorte d’érudit, répond : « – Oh, ils sont à différentes hauteurs. Certains d’entre eux sont très, très hauts et d’autres presque tout près. » A ce moment, Charlie Brown apparaît. Il a écouté la conversation. Il proteste : « – Quelle sorte d’explication est-ce là ? » Dans la dernière scène, Linus, faisant référence au jeune âge de Sally, explique à Charlie : « Il est parfois préférable d’utiliser le langage des non-initiés ! »

Cantonner la philosophie dans un langage accessible au profane a été la vocation de nombreux excellents philosophes. Jean-Paul II dans Fides et Ratio y est parvenu, de même Peter Kreeft dans Summa Philosophica. Si le langage philosophique est si ésotérique qu’il ne peut être compris que de quelques esprits avertis, ce n’est probablement pas de la très bonne philosophie. « Que sais-je ? » et « A quelle hauteur sont les nuages ? » sont d’excellentes questions. Sally n’est pas la godiche qu’elle prétend être. Charlie a raison également. Nous devons exiger de nos explications qu’elles aient du sens.

Le 11 juin 1966, Charles Schulz a prononcé le discours d’ouverture à St. Mary’s College, en Californie. Ce discours se trouve dans son recueil autobiographique Ma vie avec Charlie Brown. Schulz note que les orateurs des discours d’ouverture traitent de nombreux sujets. Il se rappelle préparant l’édition de Noël des Peanuts de l’année précédente. Il voulait trouver un moyen pour montrer comment les enfants cherchent la vraie signification de Noël.

Après un temps de réflexion, Shulz nous a dit : « j’ai finalement décidé que toutes les idées que nous avions évitaient la vérité essentielle, qui est que le vrai sens de Noël ne se trouve que dans l’évangile de Saint Luc, alors nous avons Linus qui récite ce célèbre passage. » Aucun doute, éviter les vérités essentielles du christianisme est une industrie à plein temps. Linus semble être quasi la seule personne de notre connaissance qui puisse au moins nous raconter l’histoire. Je suspecte cette « histoire » de bouleverser et d’élever encore les âmes de ceux qui l’entendent.

Nous songeons parfois, à propos du monde qui nous entoure : « qui en est responsable ? » Le monde est fait pour l’homme, mais l’homme est une catégorie particulière parmi les êtres vivants. Certaines des choses qu’il aimerait voir, ou dont il pense qu’il devrait les voir nécessitent des pouvoirs qu’il ne possède pas pleinement.

Linus vient juste d’informer Lucy d’un fait scientifique. Il ne lui convient pas. Elle hausse le ton : « – Comment ça, on n’est pas capable de regarder l’éclipse ? » Linus lui explique légitimement alors qu’elle fronce les sourcils : « – c’est très dangereux, tu pourrais souffrir de graves brûlures de la rétine à cause des infra-rouges. »

Ce n’est rien d’autre qu’un fait. Mais Lucy, levant les bras au ciel, s’insurge : « – quel intérêt d’avoir une éclipse si on ne peut pas la regarder ? » Toutes les choses sont visibles. Mais on ne peut pas regarder une éclipse. Par conséquent, il n’est pas logique d’avoir ou des yeux ou une éclipse.

Dans la scène finale, Lucy part en fulminant devant un Linus abasourdi, tout plein de son savoir scientifique : « – Cette fois, quelqu’un s’est sûrement gouré à la fabrication. » Maintenant, il faut un lecteur sourd pour ne pas savoir qui est responsable de la fabrication en ce qui concerne les yeux ou les éclipses. De son point de vue, la logique de Lucy est imparable.
Cependant, derrière cela, il y a une part de rébellion contre ce qui est. Cela veut peut-être dire que nous sommes destinés à connaître toutes choses. C’est ainsi qu’Aristote définissait notre esprit. Lucy est tout-à-fait amusante, aucun doute là-dessus. Mais elle ne supporte pas ses limites. Le monde devrait se soumettre à ses ordres. A défaut, elle veut connaître « le responsable ». Elle le découvre en écoutant Linus narrer le récit de Noël extrait de l’évangile de Luc.

Oui, Schulz est un très bon philosophe et théologien.

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James V. Schall est professeur à l’université de Georgetown et l’un des auteurs catholiques américains les plus prolifiques. Ses plus récents livres sont The Mind That Is Catholic (L’esprit catholique) et The Modern Age (Les temps modernes).

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Illustration : Charles Schulz par Yousouf Karsh (1986)