La peur - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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La peur

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8 juin

L’actualité ne se ramène pas à l’affaire DSK, même si on a le sentiment de vivre, avec la scène new-yorkaise l’équivalent d’une tragédie grecque, qui nous renvoie à la figure toute l’énigme de notre condition. J’ai donc envie de parler d’autre chose aujourd’hui, sans être sûr toutefois de quitter vraiment le rivage de l’Hudson. Car c’est de la peur contemporaine dont j’aimerais parler, stimulé, par un excellent papier de mon confrère Yves de Kerdrel dans Le Figaro. Oui, il y a de la peur dans cette affaire, peur de l’autre, par perte de confiance, conscience plus ou moins nette que les relations humaines sont gâtées par un déséquilibre fondamental, qui atteint la cité en son cœur. Mais la peur recouvre aujourd’hui d’autres aspects. Ainsi, lorsque la chancelière Angela Merkel décide l’abandon définitif du nucléaire, elle signifie ainsi que le principe de précaution est devenu la règle suprême de l’Allemagne. Yves de Kerdrel discerne là un signal d’alarme qui marque le décrochage de tout un continent par rapport aux pays émergents qui, eux, ne cessent d’affirmer leur foi dans l’avenir.

Serions nous désabusés au point d’adopter une philosophie de rupture, celle que Jean-Pierre Dupuy, disciple de René Girard a appelé le catastrophisme éclairé ? Le vingtième siècle s’était caractérisé, à la suite du dix-neuvième, par une sorte de croyance fervente au progrès. Croyance qui avait pu se décliner, d’ailleurs, sous la forme de ce que Raymond Aron appelait les religions séculières ». Le progressisme pouvait adopter d’autres formes, en épousant des tendances idéologiques diverses. Il semble qu’une page ait été tournée. Les catastrophes du vingtième siècle ont fait beaucoup pour nous éloigner du mythe d’une avancée toujours plus triomphale de l’humanité, en montrant qu’il n’y avait pas d’évolution linéaire, mais la possibilité de chute terrible. Pourtant, l’ère des Trente Glorieuses, qui avaient suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, avait rendu espoir aux peuples européens. N’y aurait-il pas, aujourd’hui, une façon nouvelle de défier le tragique en redécouvrant une espérance possible, autre chose qu’un mythe, une confiance en ce qui, malgré tout, selon le mot de Pascal, en l’homme passe infiniment l’homme?