Parmi les multiples échos du synode sur l’Amazonie, qui clôt ses travaux à Rome ce 26 octobre, il est une parole claire qui fera date : celle du cardinal Marc Ouellet, préfet en charge de la Congrégation pour les évêques. Également président de la Commission pour l’Amérique latine, sa parole est d’autant plus légitime dans les discussions, durant ces trois semaines, sur la possibilité ou non d’ordonner des hommes mariés, indigènes, dans l’Église catholique.
Ce à quoi le prélat québécois a répondu par une formule éclairante : « Je ne crois pas que, pour avoir un visage amazonien, l’Église ait besoin d’un clergé marié. » Pour lui, cette réponse s’apparente bien plutôt à un « manque de foi », a-t-il expliqué sur KTO. S’étonnant que l’on ait si peu envisagé de faire appel à des missionnaires, pour porter l’Évangile et l’eucharistie dans cette région. On pourrait citer également l’église souterraine au Japon, qui a survécu sans prêtres pendant des siècles, se transmettant la foi en famille, avant de ressurgir comme une rivière enfouie, mais non tarie, quand les prêtres ont eu le droit de revenir sur l’île.
Une tradition très ancienne
Certes le célibat des prêtres n’est pas un dogme, mais ce n’est pas non plus une simple discipline fixée tardivement. Comme c’est souvent le cas, la tradition remonte au début de l’église, aux temps apostoliques même, puisque les Apôtres avaient tout quitté pour suivre le Christ. La norme du célibat s’est ensuite précisée au IVe siècle, et a été sans cesse reconfirmée. Même si des permissions et des exceptions ont existé, comme en Orient.
Le célibat sacerdotal implique surtout de « se placer dans une logique de foi », a insisté le cardinal Ouellet, qui publie ces jours-ci un véritable plaidoyer en faveur du célibat des prêtres, Amis de l’Époux (Parole et Silence). Livre qui se situe dans la continuité de la Lettre envoyée par le pape François à tous les prêtres du monde, le 4 août 2019, pour les 160 ans de la mort du Curé d’Ars. Si ce dernier est saint, a d’ailleurs rappelé le prélat, c’est pour avoir converti sa paroisse.
L’enjeu de ce débat récurrent est ainsi selon lui de conduire l’Église tout entière à une « vision renouvelée du sacerdoce » vu comme un témoignage de foi, peut-être le plus radical qui soit dans nos sociétés sécularisées : la « confession de la divinité du Christ », sans laquelle le célibat est « incompréhensible ». Il ne s’agit pas de nier les difficultés psycho-affectives qui peuvent surgir, mais de redire le « potentiel évangélisateur du célibat ». Qui nécessite sans doute un meilleur accompagnement dans la formation des séminaristes, pour que ceux-ci fassent librement ce choix.
Enfin, conclut le cardinal Ouellet, inutile de se leurrer : accorder une exception pour l’Amazonie conduira forcément à la généraliser ailleurs, y compris en Europe. Or ici, de nombreuses églises sont vides, remarque-t-il finement, malgré le nombre de prêtres. C’est donc la foi qui fait la différence selon lui, pas un « droit » à l’eucharistie.
Question délicate donc, mais ô combien déterminante pour l’Église, qu’il reviendra au Pape de trancher au printemps, par-delà les délibérations des Pères synodaux.