Par chance, il nous est permis, alors que le monde vit dans l’intranquillité, alors que l’on se demande si les armes vont parler en Ukraine, de nous retrancher du tumulte, pour goûter un certain silence, celui que réserve une abbaye par exemple. Un silence peuplé, certes, par la musique grégorienne, qui monte vers les voutes. Ce silence peuplé, un quinzaine d’écrivains l’ont vécu à l’abbaye de Lagrasse, dans l’Aude. Ils en ont fait part dans un beau livre intitulé Trois jours et trois nuits. Mardi soir, une bonne partie d’entre eux se retrouvait au Collège des Bernardins en une rencontre littéraire, pour évoquer à nouveau cette expérience singulière qui avait été la leur quelle que soit leur situation religieuse personnelle.
Le cadre des Bernardins se prêtait très bien à cette rencontre, ne serait-ce qu’en vertu de son caractère monastique, liant l’étude et la contemplation. C’est ce qu’avait rappelé le pape Benoît XVI en inaugurant le collège restauré en 2008. « Eschatologie et grammaire, avait-il dit, sont indissociables l’une de l’autre. Le désir de Dieu comprend l’amour des lettres, l’amour de la parole, son exploration dans toutes les dimensions. » Les chanoines qui ont restauré, quant à eux, l’abbaye de Lagrasse, dont la fondation remonte à Charlemagne, se réclament du patronage de saint Augustin, l’évêque d’Hippone. Précisément, cet immense docteur de l’Occident avait assumé cette alliance de la foi et de l’amour de la parole.
Il n’est pas étonnant que des écrivains d’aujourd’hui n’aient pas été dépaysés face à ceux qui assument la continuité du témoignage de l’auteur des Confessions. Dans une époque de doute quant à l’avenir de la foi dans notre pays, il est heureux qu’on puisse se retrouver dans un tel lieu de grâce, qui n’est d’ailleurs pas réservé aux seuls écrivains. C’est toute une population rurale assez délaissée qui peut se ressourcer là où brille le seul nécessaire. Merci au Père Emmanuel-Marie et à ses chanoines d’entretenir cette lumière pour notre salut ici-bas.