La nation russe - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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La nation russe

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Le 8 avril, le « grand témoin » de Radio Notre-Dame était Pierre Lorrain, journaliste, écrivain, spécialiste de la Russie, auteur de « Moscou, naissance d’une nation » (Bartillat).

http://www.radionotredame.net

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Editorial de Gérard Leclerc :

On a beau dire, on a beau critiquer la notion d’identité nationale. Ce n’est pas un concept vide, même s’il prête à polémiques. Par exemple, lorsque nous parlons de nos rapports avec la Russie, nous autres Français, nous pensons à deux histoires spécifiques, à deux formes de culture qui nous ont rendus bien différents les uns des autres, mais sans que nous soyons « incommunicables » les uns aux autres. Un ami, très féru de la Russie, de son passé, et de son présent, m’expliquait au moment de la visite du patriarche Alexis de Moscou à Notre-Dame de Paris, en octobre 2007 que cette venue en France du chef de l’Orthodoxie russe n’était nullement fortuite, ou même politique au sens restreint du terme. Pour les orthodoxes russes, la France est la nation catholique par excellence, et se retrouver à Paris était presque aussi significatif pour Alexis que s’il s’était rendu à Rome! Dans ce cas, la différence culturelle tout à fait sensible à travers la liturgie et l’art, signifiait vraiment l’échange entre deux nations fortement identifiables à travers leurs richesses propres, mais en vertu de cette différence, fraternelles.

Je suis d’autant plus apte à comprendre ce langage, que depuis fort longtemps j’éprouve la plus grande admiration pour la littérature russe, mais aussi pour la liturgie orthodoxe. Mon auteur de référence, j’en demande pardon à Pierre Lorrain, n’est pas Léon Tolstoï, même si j’ai lu Guerre et paix ou encore Résurrection et Anna Karénine avec admiration. La philosophie de Tolstoï est très loin de moi, et même je m’en défie au plus haut point. Je ne supporte pas cette religion sans dogmes, prétendument purifiée des théologies qui divisent, et qui nous imposent ce Christ tout à fait étrange, pacifiste, idéaliste, celui dont Nietzche avait mille fois raisons de se méfier. C’est le grand Vladimir Soloviev, ce philosophe-théologien russe de première grandeur qui m’a fourni les meilleures raisons de ne pas être tolstoïen.

Mais c’est, bien sûr, Dostoïevski qui est mon auteur de prédilection. C’est lui, d’ailleurs, qui dans Les frères Karamazov avait peint son ami Soloviev sous les traits d’Aliocha, un des personnages les plus christiques du romancier. Non d’ailleurs que Dostoïevski soit indemne de toute équivoque théologique. Alain Besançon a fait le procès de ses manquements et l’a même associé à Tolstoï pour dénoncer une hérésie tolsto-dostoïevskienne qui produirait des ravages jusqu’en France. Voilà une belle controverse qui n’est pas près de s’éteindre. Car en regard d’Alain Besançon, il y a l’admiration presque sans mélanges du cardinal de Lubac qui voit dans Dostoïevski l’écrivain, qui, par son parcours spirituel, a surmonté les démons du nihilisme contemporain, en puisant dans l’expérience liturgique, et donc évangélique, de son peuple. A un Dostoïevski il faut évidemment associer Soljénitsyne. Et quand nous considérons le présent du peuple russe, sorti de la tragédie soviétique, nous formulons des voeux pour qu’il retrouve l’essentiel de son aspiration spirituelle.

On sait le retour actuel du pays à l’orthodoxie. Cela ne suffira pas à résoudre toutes ses difficultés, loin sans faut, mais tout de même c’est un sujet d’espoir pour cette Russie si tourmentée de pouvoir s’identifier au meilleur d’elle-même !