Il y a donc quarante ans que le général de Gaulle a quitté ce monde. Je me souviens encore du moment précis où la nouvelle est tombée et j’entends encore son successeur, le président Georges Pompidou, déclarer que « la France était veuve ». Malraux, plus tard, a trouvé l’image qui convenait pour évoquer l’évènement, en citant deux vers de Victor Hugo:
« Oh. Quel farouche bruit font dans le crépuscule,
Les chênes qu’on abat pour le bucher d’Hercule. »
Il faut bien se contenter d’images pour évoquer en une chronique un héros de l’Histoire. J’en rappellerai donc une autre que m’ont rapportée mes amis Jean et Gisèle Foyer, présents sur la tribune du Panthéon, au moment de l’entrée des cendres de Jean Moulin dans la célèbre nécropole. Placés tout près du Général, celui qui était alors son garde des Sceaux ainsi que son épouse virent, alors que le même Malraux prononçait sa célèbre oraison funèbre — « Entre ici Jean Moulin… » — couler une grosse larme sur la joue de Charles de Gaulle. Larme furtive sans doute, inaperçue de la télévision et des journalistes. Larme qui montrait bien comment De Gaulle, en dépit de son inflexibilité, n’était pas de ces héros sans humanité que redoutait Bossuet.
Sans doute, l’homme du 18 juin, celui du drame algérien, a toujours su que l’Histoire était tragique et que son destin de conducteur du pays dans le chaos des évènements n’irait pas sans divisions, sans oppositions, et qu’il y aurait beaucoup de blessés sur les côtés de la route. Mais s’il faut conclure sur une dernière image, ce sera celle du père tendrement ému, penché sur sa fille Anne, gravement handicapée. C’est Anne qui révèlera sa nature la plus profonde, celle d’un chrétien qui sait que la compassion est plus grande encore que toute la gloire d’un destin.
Chronique lue le 9 novembre sur Radio Notre-Dame