La moralité, les faits et les opinions - France Catholique
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La moralité, les faits et les opinions

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Même ceux qui ne se torturent pas avec la lecture quotidienne du New York Times peuvent avoir entendu parler de l’article « Pourquoi nos enfants ne pensent-ils pas qu’il existe des faits moraux ? », écrit par Justin McBrayer, un professeur de philosophie qui se plaint des quiz donnés à son fils de deuxième année pour lui enseigner à distinguer entre les faits et les opinions.

Considérez cette liste de propositions tirée d’un exercice trouvé sur internet par McBrayer :

* Copier ses devoirs scolaires sur un autre est mal

* Tous les hommes sont créés égaux

* Cela vaut la peine de sacrifier des libertés individuelles pour protéger notre pays du terrorisme

* C’est mal de boire de l’alcool avant l’âge de 21 ans

Dans chaque cas la bonne réponse est que ce sont de simples opinions.

« L’explication donnée », nous dit le professeur McBrayer, « est que chacune de ces déclarations est un jugement de valeur et que les jugements de valeur ne sont pas des faits. C’est répété ad nauseam : toute déclaration incluant la notion de bien, de mal, d’erreur, etc. n’est pas un fait. »

Pas étonnant que la majorité des enfants soient relativistes sur le plan moral quand ils arrivent au collège. Cela leur a été inculqué par la même sorte de gens qui enseignent aux enfants que « c’est un fait » que tout le monde en Europe craignait de faire voile vers l’extrémité d’une terre plate jusqu’à ce que Christophe Colomb leur prouve qu’ils avaient tort – un mensonge éhonté, par parenthèse, puisque tout le monde savait que la terre est ronde depuis au moins les anciens Grecs.

Un passage que le professeur n’a pas cité est peut-être encore plus affligeant. Le même site propose cet étrange exemple, « il y a 10 000 pieds dans un mile », comme un fait . Voici l’explication :

1

George Orwell, priez pour nous !

Pour plus de clarté, j’aimerais suggérer quelques humbles ajouts au quiz des étudiants :

1. Dire qu’il est mal pour des soldats de jeter en l’air des bébés pour les rattraper sur leurs baïonnettes à titre d’exercice sportif est : (A) un fait, ou (B) une simple opinion ?

2. Dire qu’il est mal d’enlever, de battre et de tuer une adolescente de treize ans est : (A) un fait indiscutable ou (B) rien de plus qu’une simple opinion ? (Un professeur de mes amis a eu une classe qui a voté à l’unanimité tout au long d’un semestre que vous ne pouviez pas déclarer que c’était mal parce que cela reviendrait à admettre l’existence d’au moins une vérité morale objective.)

3. Déclarer qu’il était moralement mal pour le gouvernement allemand d’exterminer 6 millions de Juifs est : (A) un fait, sans l’ombre d’un doute, ou (B) mon opinion personnelle, mais qui suis-je pour juger.

4. Déclarer qu’il est mal de faire des commentaires racistes sur les minorités est : (A) vrai, ou (B) cela ne dépend que de vous ?

5. Israël opprime le peuple palestinien. Cette déclaration est : (A) un fait, ou (B) une opinion ? (Je serais intéressé par la preuve que fournirait le professeur qui maintiendrait que la réponse est A.)

6. Il y a un certains nombre de scientifiques qui doutent que le réchauffement planétaire soit aussi terrible que prédit ou qu’il soit causé par l’activité humaine. Est-ce (A) un fait, ou (B) une opinion ? (En fait, c’est une question astucieuse. La réponse est : un fait, bien sûr. On peut prouver qu’il y a des gens qui doutent. Mais le fait qu’ils doutent est simplement leur opinion, n’est-ce pas ? Voyez l’exemple des 10 000 pieds dans un mile. Si pouvoir être éventuellement prouvé est le seul critère, alors nous pouvons avoir deux faits qui s’opposent.)

7. Un professeur déclare à ses élèves qu’il serait mal pour eux de répondre au quiz faits/opinions en fonction de ce qu’ils pensent que le professeur attend comme réponse. Cette déclaration est-elle : (A) un fait, ou (B) simplement son opinion, sans plus de poids sur qui que ce soit que, par exemple, son opinion sur le meilleur parfum de crème glacée ?

Il ne vous serait pas possible d’affronter avec succès les problèmes sociaux délicats de notre époque avec un esprit formé de cette façon, mais vous ne pourriez même pas diriger une école cinq minutes de cette façon. Les écoles ont des règlements qu’elles pensent justifiés par plus que de simples opinions.

Les choses n’iraient pas mieux si les enseignants et l’administration admettaient : « oui, ce ne sont que nos opinions. » Cela montrerait qu’ils veulent faire respecter les lois par les autres sur la simple base de leurs opinions ou de leurs sentiments, sans aucun jugement rationnel défendable sur ce qui est bien ou mal.

Si cela était, je crains que, si l’on questionnait les gens sur la sagesse de ces matières, ils répondraient de l’une ou l’autre de ces deux façons : soit (A), en étant profondément offensé qu’on ose mettre en question leurs bonnes intentions et leurs opinions personnelles, soit (ou en plus) (B) en abrégeant la conversation de ce péremptoire : « eh bien, vous avez droit à votre propre opinion, et j’ai droit à la mienne » – les opinions ne pouvant être rationnellement critiquées à moins d’avoir quelque chose à voir avec les faits, ce qui n’est pas le cas, tous ces gens s’accordent à le dire. Pis encore, comme le suggère l’exemple des « 10 000 pieds dans un mile », les gens, semble-t-il, ont de plus en plus droit à leurs propres « faits ».

Bien qu’on dise que chacun a droit à sa propre opinion, certaines opinions sont de façon croissante « plus égales que d’autres », spécialement quand la personne qui a la bonne sorte d’opinion crée les règles – règles qui s’écartent de plus en plus de toute critique rationnelle.

Et selon moi, c’est un fait troublant.


Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/12/morality-facts-and-opinions/

  1. Même si cette déclaration est erronée, j’enseigne aux étudiants que c’est toujours un fait, même si ce n’est pas vrai. Si les étudiants définissent un fait comme toute déclaration qui peut être démontrée comme vraie ou fausse, ils se préoccupent moins de savoir si la déclaration est exacte et se concentrent sur le fait de savoir si la déclaration peut ou non être démontrée. Par suite, ils seront davantage capables de différencier les faits des opinions.