La morale considérée comme de conception purement humaine - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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La morale considérée comme de conception purement humaine

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Au cours du 20e siècle de nombreux Américains de niveau universitaire en sont venus à croire que la morale est une création uniquement sociale. Peut-être parce qu’ils ont suivi des cours en anthropologie culturelle et ont été tenus de lire un ou deux livres renommés de l’école culturelle relativiste d’anthropologie – je veux dire par là « Modèles de culture » de Ruth Benedict ou « Passage à l’âge adulte aux îles Samoa » de Margaret Mead. Ces deux ouvrages étaient autrefois largement imposés aux étudiants de premier cycle universitaire, tout spécialement entre la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et le milieu des années 60.

Que ce soit en lisant ces livres ou autrement, des étudiants ont assimilé et introduit dans leur vie ultérieure une des doctrines au cœur de l’école culturelle relativiste, à savoir que les valeurs morales et les règles morales ne sont que des créations de la société. Le corollaire inexprimé de cette doctrine affirmative est la doctrine négative selon laquelle ces règles et valeurs n’ont pas de fondement métaphysique : elles ne sont pas créées par Dieu.

Mais si les règles morales ne sont que de simples créations sociales, elles peuvent être modifiées quand la société décide qu’elles le nécessitent. Prenez par exemple la règle réprouvant la fornication. Si cette règle est d’origine divine, elle ne peut pas être changée quand bien même un changement de mentalité suggérerait de le faire.

Mais si cette règle est purement humaine, et si nous vivons à une époque où les sexes sont à égalité, une époque où l’ajournement du mariage est souhaitable à plus d’un titre et où des contraceptions efficaces sont immédiatement disponibles – si toutes ces conditions sont réunies, pourquoi la société ne modifierait-elle pas ses règles pour dire que la fornication est moralement permise ? Pourquoi même ne déclarerait-elle pas que c’est quasi obligatoire et qu’il y a quelque chose de moralement déficient chez un jeune préservant sa virginité après l’âge de 18, 19 ou 20 ans ?

Dans l’ancien temps, la fornication ne « marchait » pas très bien. Pas étonnant que la société l’ait bannie. Mais dans les années 60, cela « marchait » très bien, du moins chez les jeunes gens un tant soit peu intelligents qui prenaient des précautions. Et donc, un jour ou l’autre entre le début des années 60 et le début des années 70, la société américaine, considérant que la règle contre la fornication était purement humaine, l’a abolie.

Et si la fornication élémentaire était désormais permise, une forme de fornication plus stable – la cohabitation entre un homme et une femme non mariés – devait être tout autant acceptable. Et si la fornication et la cohabitation sans être mariés étaient moralement acceptables, l’avortement devait l’être également. Car la contraception n’est pas infaillible, et les jeunes gens, dans le feu de la passion, deviennent parfois négligents.

En d’autres mots, des erreurs vont forcément se produire, des grossesses non désirées vont forcément advenir. Si nous en sommes à adopter un régime moral de permissivité sexuelle, un régime dans lequel la fornication n’est pas seulement permise mais encouragée, il faut nécessairement une méthode pour rectifier ces erreurs inévitables.

L’avortement doit être cette méthode. S’il est moralement et légalement interdit, nous ne pouvons pas avoir un régime de permissivité sexuelle car avoir des relations sexuelles sans être mariés deviendrait trop risqué. La liberté sexuelle sans le « filet de sécurité » de l’avortement signifierait que les jeunes devraient courir le risque de devenir parent ou de devoir se marier sans l’avoir voulu, de devoir laisser tomber leurs études, de renoncer à une carrière et ainsi de suite.

Naturellement, modifier les règles morales en vue d’autoriser l’avortement était une étape plus corsée que les précédentes modifications visant à autoriser la fornication. Car sous les anciennes règles, l’avortement avait été considéré comme bien plus honteux, bien plus malfaisant que la seule fornication.

La fornication était considérée comme une grave faute, mais l’avortement était vu comme analogue à un véritable meurtre. A partir du moment où la société avait décidé que la fornication, c’était très bien, elle n’avait pas d’autre choix que de déclarer que l’avortement, c’était très bien également. Quiconque accepte la permissivité sexuelle doit également accepter l’avortement.

Une certaine gymnastique mentale a été nécessaire, et l’est toujours, pour justifier quelque chose qui avait jusqu’ici été considéré comme une forme d’homicide. Dans le cas de la fornication, vous pouviez vous dire : « la fornication était considérée comme mauvaise, mais la société a changé d’avis. » Ce n’était pas si facile avec l’avortement.

De nombreuses personnes, en dépit de leur croyance générale que les règles morales ne sont que des créations humaines, ne se laissaient pas aisément persuader que la règle contre l’avortement n’était rien de plus qu’une construction humaine. Mais la gymnastique intellectuelle a été effectuée, et ceux qui souhaitaient croire que l’avortement est moralement permis ont réussi à s’auto-persuader, et à se persuader les uns les autres que c’est vraiment moralement admissible.

Ils ont été aidés dans cet effort par l’arrêt Roe v. Wade de la Cour Suprême, rendu en 1973. La Cour a statué (dans une décision foisonnant de gymnastique intellectuelle) que le droit à l’avortement est garanti par la Constitution. Mais puisque la Constitution est vue par les Américains comme un document quasi sacré, et puisque les droits garantis par la Constitution sont normalement vus par les Américains comme des droits donnés par Dieu, beaucoup de gens ont interprété la décision de justice Roe comme une garantie donnée par la Cour Suprême que l’avortement n’est pas seulement légal, mais également moral. Qu’il coïncide avec la volonté de Dieu.

Etant allé aussi loin dans la modification des règles traditionnelles de morale sexuelle, il n’était que logique de modifier également les vieilles règles contre l’homosexualité. Si vous êtes pour avoir un régime de permissivité sexuelle, pourquoi les homosexuels devraient-ils être exclus ? Et pourquoi ne seraient-ils pas autorisés à se marier ?

J’ai donné plus haut quelques exemples de ce qui découle de la théorie méta-éthique selon laquelle les règles morales sont de conception purement humaine. Certains (de gauche ou progressistes) sont satisfaits du résultat car ils apprécient la permissivité sexuelle. Ils ne semblent pas avoir pris conscience cependant que cette théorie peut être utilisée pour justifier bien autre chose – des choses qui ne leur plairaient pas. Eux, ou leurs enfants, pourraient avoir un jour ou l’autre un réveil extrêmement déplaisant.

David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

Illustration : Harry V. Blackmun, rédacteur de l’opinion majoritaire dans la décision Roe vs. Wade

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/08/morality-as-a-man-made-thing/