Où en est la Manif pour tous ? Est-ce qu’il n’y a pas un risque d’essoufflement ?
La Manif pour tous est en train de développer un axe complémentaire à l’action de contestation. Il s’agit d’un axe formation/propositions. Compte tenu de l’importance des enjeux, mais aussi de la difficulté, dans le contexte actuel, à argumenter ou même à ne pas se laisser abuser par certaines dérives idéologiques, nous avons considéré qu’il était temps d’entrer dans le fond des sujets, aussi bien avec les volontaires qu’avec le public. L’intérêt de ce deuxième axe est d’être une force de proposition, de combler des lacunes immenses, de préparer l’avenir. Nous avons donc organisé une université d’été le deuxième week-end de septembre, qui a rassemblé 1 200 personnes environ. Nous avons eu la joie d’écouter des interventions de grande qualité, en séance plénière ou en forums. Chantal Delsol, Denis Tillinac, Gérard Leclerc et bien d’autres penseurs, analystes, etc. sont intervenus.
Nous avions annoncé, à l’issue de cette Université d’été, le lancement d’un Grenelle de la famille. De fait, jamais un gouvernement, un parti ni aucune autre instance n’avait consulté les Français sur ce sujet ! Il est pourtant bien connu que la famille est la cellule de base de toute société. Elle est la source de ses richesses humaines et économiques et elle en assure l’avenir. Elle est aussi LE lieu par excellence d’éducation, de solidarité et de dignité.
Ce Grenelle de la famille vise à réfléchir au rôle de la famille dans la société, à s’interroger sur ce que doit être une politique familiale, ses finalités, ses principes et mesures. Ce Grenelle a aussi pour objectif d’aboutir à la rédaction d’une proposition de loi famille qui sera une alternative au projet de loi que prépare le gouvernement.
Nous avons donc proposé à chacune des six « provinces » de la Manif pour tous de porter l’un des six sujets : le couple, l’enfant et la filiation, l’éducation, la qualité de vie (santé, services, etc.), la solidarité inter-générationnelle et la lutte contre la paupérisation. Des groupes de travail se sont mis en place et des dizaines et dizaines de réunions ont eu lieu partout en France, qui ont alterné avec des forums, c’est-à-dire avec des débats proposés au public.
Ce processus a duré de la troisième semaine d’octobre à la troisième semaine de décembre. Nous sommes en train de rassembler les synthèses et les propositions, à partir desquelles vont être rédigés les principes fondateurs de la loi-cadre que nous écrivons. Les conclusions de ce Grenelle seront rendues publiques au cours d’un événement prévu à La Mutualité le 8 mars prochain. Avant d’engager ce travail, nous avions bien sûr vérifié que des députés étaient prêts à porter cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, et c’est bien le cas.
Nous avons également commencé à déployer un « Plan Vigi-gender » pour que les parents d’élèves soient informés de ce qu’est l’idéologie du genre et qu’ils soient en veille à l’école sur ce qui peut être dit aux enfants au sujet de leur identité sexuelle.
Parallèlement, nous continuons bien sûr à organiser des actions de contestation. Nous sommes en effet dans un double tempo : il faut agir urgemment pour stopper les projets gouvernementaux tout en formant les « hommes de bonne volonté » et en formulant ce que nous souhaitons pour la société française.
En ce qui concerne les actions donc, nous continuons à « accueillir » les ministres à chacun de leur déplacement et nous organisons des événements comme le déploiement d’un drapeau de la Manif pour tous de 600 m2 sous les fenêtres de Christiane Taubira, devant le ministère de la justice (place Vendôme à Paris), ou encore des opérations escargot, à Bordeaux, Paris, etc.
Et actuellement, nous appelons tous les citoyens européens à manifester dimanche 2 février à Lyon et à Paris, mais aussi à Bruxelles, Bucarest, Madrid, Rome, Varsovie… Pour Paris et Lyon, les rendez-vous sont respectivement à 13h place du 18 juin 1940 et à 14h place Bellecour.
Vous le voyez : nous ne craignons pas l’essoufflement !
Pourquoi ces nouvelles manifestations et pourquoi dans toute l’Europe ?
Parce que les projets anti-famille avancent malheureusement très vite au niveau français comme au niveau européen. Il y a donc urgence à agir et avec le maximum d’efficacité possible.
En ce qui concerne la France d’abord : comme l’attestent des déclarations publiques, François Hollande et son gouvernement sont favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux « couples » de femmes et aux célibataires, qui sera suivi tôt ou tard de la légalisation des mères porteuses au profit des « couples » d’hommes. Même si Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la famille, déclare que la libéralisation de la PMA n’est pas dans son projet de loi famille, des députés ont déjà annoncé qu’ils déposeraient un amendement dans ce sens. D’autre part, le président de la République avait déclaré le 28 mars 2013 sur France télévisions qu’il suivrait l’avis du Conseil Consultatif National d’éthique (CCNE)… mais, le 22 septembre, dernier, il a très largement renouvelé les membres du CCNE !
La Manif pour tous constate aussi la diffusion à l’école, notamment par des supports pédagogiques, du concept d’identité de genre. Des ouvrages tels que Papa porte une robe, Léa a deux mamans ou des films tels que Tomboy, sont imposés aux élèves. Ils consistent à remettre en cause l’identité sexuelle garçon/fille auprès des enfants. Or ces questions d’identité sexuelle versus identité de genre n’ont rien à faire à l’école !
À cela s’ajoute donc l’écriture, en cours, d’un projet de loi famille par Dominique Bertinotti. Compte tenu des déclarations de la ministre, et Compte tenu du fait qu’elle a exclu TOUTES les associations familiales des groupes de travail qui préparent cette loi, la Manif pour tous est plus qu’inquiète ! Ce qui ressort des premières informations, c’est notamment la volonté de créer un statut du beau-parent et de mettre en place une pré-majorité. Donner un statut au beau-parent est dangereux parce qu’il conduira à diluer les liens père/mère/enfant en donnant un rôle équivalent aux parents et beaux-parents. Le père et la mère doivent rester les seuls responsables de tout ce qui concerne les décisions et choix fondamentaux pour leur enfant. Personne ne doit prendre leur place ! Et il y aurait d’autres manières, simples et respectueuses du rôle du père et de la mère, de régler les problèmes pratiques qui se posent aux familles concernées.
Quant à la création d’une pré-majorité, mesure démagogique vis-à-vis des jeunes, elle ne fera que restreindre l’autorité parentale alors que l’on s’inquiète actuellement des difficultés des parents à élever leurs enfants, problèmes qui rejaillissent sur l’ensemble de la collectivité, aujourd’hui et demain, puisque nous parlons là de futurs adultes.
En ce qui concerne l’Union européenne, il faut savoir qu’une feuille de route LGBT, votée en commission parlementaires des libertés civiles, va être soumise à l’Assemblée plénière du Parlement européen, en principe la semaine du 4 février. Sous couvert de « lutte contre l’homophobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre », cette feuille de route vise à aller vers l’ouverture de tous les droits (mariage dans les pays où ce n’est pas encore le cas et filiation) aux couples homosexuels. Toute directive européenne (loi contraignante) s’annonce toujours en amont par un rapport d’initiative (non contraignant). Cette feuille de route en est à l’étape rapport d’initiative et il faut l’empêcher de passer.
Des manifestations sont donc lancées par la Manif pour tous France avec la Manif pour tous Italie et des associations pro-famille d’autres pays. Car c’est l’action de même nature et le même jour partout en Europe qui donnera un maximum d’impact dans les médias, pèsera sur les élus de l’Union européenne et contribuera au réveil des consciences en Europe !
n Quelles sont vos victoires et vos plus grandes inquiétudes ?
Par notre mobilisation, nous avons encouragé les uns, réveillé les autres, aussi bien en France qu’à l’étranger. En effet, tous les pays occidentaux nous ont observés avec stupeur d’abord, avec un immense intérêt ensuite. Cela les a « boostés » pour les combats qu’ils mènent eux aussi.
Par ailleurs, nous avons obtenu le retrait de la PMA « pour tous » du projet de loi Taubira, le retrait de l’amendement de la loi Peillon visant à insérer au programme de l’école l’enseignement de la théorie du genre. Nous avons aussi gagné deux fois contre le rapport Estrela au niveau européen. J’ajoute que notre mobilisation conduit le gouvernement actuel à hésiter sur le calendrier des autres réformes sociétales qu’il envisageait.
Mais il ne faut pas se laisser berner : même si le Pouvoir est plus discret en ce moment, les projets prévus sont bien en cours de préparation et ceux sur lesquels nous avons obtenu des victoires reviennent insidieusement. La Manif pour tous, qui est en veille permanente, voit se succéder les déclarations et les faits qui le prouvent. Il nous faut par conséquent déployer encore bien davantage notre travail et nos actions. Sans cela, tous nos efforts auront été inutiles et les générations à venir n’échapperont pas au « Meilleur des mondes » !
Comment vous situez-vous par rapport à la Marche pour la vie ?
Moi qui défends la famille, au cœur de laquelle est la vie, je considère naturellement qu’il faut défendre la vie. Et cette année d’autant plus que, dans les jours prochains, le Parlement va débattre d’un projet de loi sur l’égalité homme/femme dans lequel a été inséré un amendement visant la suppression dans la loi Veil de la notion de « détresse de la femme », suppression qui en fait actera un « droit à l’IVG ».
La France doit impérativement aider les femmes à accueillir leur enfant. Oui, la vie doit être défendue dès son commencement et jusqu’à sa fin naturelle comme elle doit être défendue dans sa réalité homme/femme. C’est pourquoi le combat de la Marche pour la vie est complémentaire de celui de la Manif pour tous.
Comment arrivez-vous à gérer la dissidence de Frigide Barjot ?
La finalité et la ligne de la Manif pour tous n’ont pas changé, pas plus que l’ensemble de ses responsables, à l’exception en effet de Frigide et de deux autres porte-parole, Laurence Tcheng et Xavier Bongibault. Nous poursuivons donc avec détermination et ce qui nous préoccupe avant tout, c’est l’urgence et l’ampleur des combats à mener.
Dans ce contexte, la dissidence de Frigide Barjot ne nous pose pas de problème majeur, même si nous sommes tristes de son attitude très critique, pour ne pas dire diffamatoire, à l’égard de la Manif pour tous et de ses sympathisants. Je ne crois pas que cela porte véritablement tort au collectif, en tout cas plus maintenant. Je pense, j’espère, que le public a compris ce qui s’était passé et qu’il a compris que nous souhaitions respecter Frigide Barjot et l’engagement qui a été le sien, en dépit des propos qu’elle tient depuis mai dernier. Nous n’avons pas souhaité, en tout cas, perdre du temps à polémiquer inutilement.
Que pensez-vous des multiples initiatives qui accompagnent le mouvement comme, par exemple, les Veilleurs… Quels fruits portent-ils à vos yeux ?
Ces initiatives sont tout simplement remarquables ! Elles correspondent à d’autres manières de combattre l’idéologie qui asphyxie la société française. J’admire l’intelligence comme le caractère pacifique de ces invitations à la réflexion que sont les veillées. Elles sont l’autre face de la même médaille : d’un côté les mobilisations massives en pleine journée avec, si j’ose dire « tambours et trompettes » et, de l’autre, des moments silencieux et attentifs, à la tombée de la nuit. Quant aux Sentinelles, leur simple présence est un signe très fort au sein d’une société agitée et malmenée par le bruit, le buzz, la surinformation, etc. Les mères veilleuses, elles aussi, invitent les passants à s’arrêter et s’interroger sur les raisons de cette présence atypique et inhabituelle.
Ce sont les signes d’une vraie résistance, indispensable. Je suis émue de constater que les sentinelles comme les veilleurs poursuivent avec détermination leurs actions. Je pense que les fruits sont de l’ordre du témoignage auprès de nos contemporains. Je suis persuadée que tous ceux qui découvrent cela sont intimement touchés. Après, il faut bien sûr qu’ils le reconnaissent et acceptent d’y réfléchir. J’ajoute que tous ces mouvements attestent que l’importance des enjeux est telle qu’elle conduit à une créativité extraordinaire. Jamais on n’avait vu tant de formes de résistance !
Comment la Manif pour tous se situe-t-elle par rapport aux prochaines élections municipales ?
La Manif pour tous s’y intéresse beaucoup pour trois raisons : d’abord les maires sont en mesure de mener une véritable politique familiale communale. Bien des décisions locales, comme celles qui concernent les subventions aux associations, l’école ou les loisirs peuvent être en faveur, ou non, des familles. Ensuite les maires sont les grands électeurs des sénateurs. Enfin ils sont les parrains des candidats à la présidentielle. Ils ont donc un rôle communal et national. Et si l’on veut obtenir un jour l’abrogation de la loi Taubira, il faut favoriser par tous les moyens possibles la composition d’un Parlement dont les membres soient prêts à voter cette abrogation.
Nous avons rédigé une charte pour les municipales. Elle porte sur les convictions et les engagements des candidats pour ce qui concerne le mariage, la filiation, la famille et la liberté de conscience des maires. Les électeurs doivent en effet connaître les positions de chacun des candidats et ce qu’ils sont prêts à faire dans ce domaine. Plusieurs centaines ont d’ores et déjà signé cette charte. Et bien sûr nous rendrons publics les noms des signataires. En attendant, nous invitons tous nos sympathisants à se procurer cette charte sur notre site internet www.lamanifpourtous.fr et à prendre rendez-vous avec les candidats de leur commune pour leur proposer de la signer.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- 8 mars 2014 : le Grenelle de la famille a dévoilé ses conclusions à la Mutualité
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Édouard de Castelnau