Peut-on voir dans la marche un exercice spirituel ? L’anthropologie chrétienne affirme avec saint Paul que « le corps est pour le Seigneur » (1 Co 6, 13) et qu’il nous faut « glorifier Dieu par notre corps » (1 Co 6, 20). Ces versets plaident en faveur de la marche comme exercice spirituel. Le pèlerinage favorise en effet l’ascèse, l’intériorité, l’expérience des limites humaines, la conscience d’être dépendant d’autrui, de la météo, et ultimement de Dieu.
Du reste, en appelant simplement El Camino, le pèlerinage à Compostelle, on en dit la dimension christologique puisque « le chemin » par excellence n’est autre que le Christ, à la fois « chemin, vérité et vie » (Jn 14, 6).
Ce que dit la Bible
Pourtant, le fondement biblique et théologique de la marche comme exercice spirituel chrétien est moins ferme qu’il n’y paraît. À s’en tenir à l’exercice physique, l’Écriture sainte et saint Paul en particulier privilégient plutôt la lutte et la course du stade comme métaphores de l’existence chrétienne.
La lutte dit la violence du combat spirituel, la course dit l’empressement à annoncer l’Évangile. Mais la marche, que dit-elle de la vie chrétienne ? Dans l’Écriture sainte, la marche à pied est un lieu de révélation et d’alliance. Dans l’Ancien Testament, la figure d’Abraham à qui Dieu commande de quitter Ur en Chaldée pour le suivre inaugure une longue série de marcheurs de Dieu. Le peuple hébreu même lorsqu’il est fixé quelque part se comprend toujours comme essentiellement pèlerin, à la suite de son errance dans le désert après sa libération du joug de Pharaon par Moïse où il avait appris à ne compter que sur Dieu et à persévérer dans l’Alliance.
Les pèlerins d’Emmaüs
Dans le Nouveau Testament, c’est sur le chemin d’Emmaüs que Jésus offre à deux disciples décontenancés par sa mort et encore ignorants de sa résurrection une mémorable leçon d’exégèse, avant de se faire reconnaître d’eux à la fraction du pain et de disparaître (Lc 24, 18-35). C’est aussi en marchant sur le chemin que l’eunuque éthiopien enseigné par l’apôtre Philippe au sujet des Écritures demande à recevoir le baptême (Ac 8, 26-40).
Et contrairement à l’idée reçue, Saul de Tarse – futur Paul – n’est pas à cheval mais marche à pied sur le chemin de Damas lorsqu’il fait la rencontre décisive du Christ ressuscité…
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