C’est l’histoire d’une petite maison dans la campagne normande. À Saint-Ouen-le-Pin, à quelques kilomètres de Lisieux, dans un endroit « typique du pays d’Auge : vallonnements aux pentes douces, réservant de ces « lointains » qu’évoquent parfois les écrits de Thérèse ; plants de pommiers, herbages luxuriants, crêtes boisées, c’est toute « l’humanité » de la Normandie » selon les mots de Monseigneur Gaucher, le grand spécialiste thérèsien.
Une maison appartenant à la belle-famille de l’oncle Isidore (frère de Zélie Martin) et où les sœurs Martin se rendaient en vacances, accueillies par leur tante Céline ou bien, comme en témoigne une note d’une sœur de Thérèse, pour une journée avec leurs cousins « à cueillir des noisettes ».
Outre la cueillette des noisettes en septembre, les écrits de la famille nous racontent la cueillette des fleurs, les promenades dans la nature qui s’éveille pour aller à la messe matinale, la traite des vaches, les séances où la famille dessinait la propriété et ses environs, mais aussi l’intérêt de Thérèse pour les étangs et le petit ruisseau de la ferme et surtout la gaîté ainsi que le bonheur qui transparaît sur son visage en ces lieux.
La maison a aujourd’hui très peu changé, on pénètre dans une grande salle de séjour au milieu de laquelle trône une vieille table un peu délabrée. Le soleil d’hiver, qui vient renforcer la lumière chaude des murs jaunes, passe par des fenêtres qui donnent sur un jardin en pente au fond duquel se trouve un if contemporain de la sainte. Tout comme la haie de buis qui l’entoure, un rosier et une glycine blanche. Dans la cuisine attenante sont entreposées les anciennes portes et fenêtres. On monte à l’étage par un escalier en bois étroit qui rappelle la table du séjour. Nous ne visiterons qu’une petite chambre du haut où est suspendu un poster de Thérèse et où défilent différents portraits projetés sur le mur au dessus d’une cheminée.
Mais c’est aussi l’histoire de Philippe Ledru. Ce grand reporter photo qui a parcouru le monde pour l’agence Sygma se retrouve du jour au lendemain immobilisé pour de longs mois, suite à un accident survenu à Paris en 2008, où il se fait renverser par un scooter. C’est l’occasion pour ce livoxien d’origine de se rapprocher de ses racines. Racines qu’il n’avait cependant jamais oubliées et notamment cette maison que sa mère avait rachetée à une petite-cousine par alliance de la sainte en 1970. Cette dernière avait émis le souhait que le lieu soit respecté. Un respect de ce lieu de mémoire qui tenait à cœur à la nouvelle propriétaire et que son fils a conservé. Il devient pour lui important de permettre l’accès aux pèlerins au « tout dernier lieu thérèsien à n’avoir jamais été ouvert au public ». Il n’avait pas oublié cette maison qu’il évoquait dans sa tête à chacun de ses reportages au bout du monde quand il voyait une statue de cette Sainte universelle, dans « une église brûlée dans la montagne libanaise » ou « la cathédrale de Phnom-Penh malheureusement détruite par les Khmers rouges ».
Après avoir recherché les écrits de la famille de Thérèse sur « le manoir Gosset » et rencontré des personnalités du Carmel et du pèlerinage, Monseigneur Gaucher, et Monseigneur Lagoutte, directeur du pèlerinage de Lisieux qui l’assurent de leur intérêt pour son projet, il consacre tout son temps et toute son énergie à transformer cette maison en musée. Malheureusement, après de longues démarches entre septembre 2009 et avril 2011, il essuie deux refus, motivés par l’impossibilité de faire des parkings à proximité. Il créé alors une association avec trois autres personnes, Guillaume Guichard pour la gestion financière, Isabelle Laporte pour la communication et Antoine Vidal à la technique. Il investit plusieurs dizaines de milliers d’euros, sans aucune aide d’aucun organisme pour faire de cette « maison des jours heureux de la petite Thérèse » un musée et un lieu de « pèlerinage virtuel ». Quelques mois plus tard, le 11 janvier 2012, Philippe Ledru, toujours alité, peut assister au lancement de son projet en ligne.
Le principe est simple. Si l’on ne peut venir à la maison, il faut faire venir la maison à nous. Comment ? En installant trois caméras de surveillance haute définition et avec le son s’il vous plaît ! Une dans le séjour, une dans la chambrette à l’étage et une dernière dans le jardin, ce qui nous donne une vue sur la face de la maison, mais également sur les oiseaux qui viennent s’y égayer et s’y nourrir. Les trois caméras sont reliées à un gros ordinateur (serveur) qui récupère les flux d’images et après les avoir transformés les renvoie par une connexion très haut débit professionnelle sur internet. De là un site aux technologies de pointe, pour être décliné parfaitement sur toutes les plateformes (ordinateur, tablette, téléphone), permet d’accéder aux images à toute heure du jour et de la nuit. Et voilà, un petit lien et vous avez accès à un pèlerinage virtuel et même, de poche.
Pour étrenner ce dispositif, Eva Hernandez a joué le spectacle « Sainte Thérèse de Lisieux, histoire d’une âme » écrit et mis en scène par Michel Pascal dans une configuration inédite. Seule dans la maison, face à l’œil froid des caméras de vidéosurveillance, elle a interprété Thérèse et quelques-unes de ses interlocuteurs dans une sorte de one-woman show exceptionnel. Passant d’un personnage à l’autre et habitant l’espace déserté avec une présence étonnante. Aidée en cela par un allié de circonstance surprenant, le soleil d’hiver de Normandie, qui jouait sur son visage sa propre interprétation d’ombre et de lumière.
Ce genre d’expérience est appelé à se reproduire par la lecture de textes en rapport avec Thérèse qui viendront animer la maison, pour rendre vivant, par la technique moderne, ce lieu historique du patrimoine spirituel de Thérèse de l’Enfant Jésus. Qui plus est, pour financer le site, l’association se propose de vendre les greffes du rosier, qu’a connu la petite Thérèse et des pétales de roses en mémoire de celle qui promit de faire tomber « une pluie de roses » sur la Terre.
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