William Blackstone, le commentateur légendaire des lois de l’Angleterre, remarqua que la loi ne pouvait pas contenir un principe de révolution. Les Lois établissent l’ordre des choses, les révolutions les renversent. Mais James Wilson, un des esprits d’avant-garde parmi les Fondateurs de l’Amérique, insista qu’ « un principe révolutionnaire est certainement, et devrait certainement être enseigné comme principe pour la constitution. »
Car le droit en Amérique commencerait par la reconnaissance qu’en fait il pourrait exister une loi injuste. Mais ceci n’aurait de sens que si l’on comprenait qu’il y avait un corps de principes par lequel on pourrait juger de la justesse ou de l’erreur, de la justice ou de l’injustice, de ces mesures qui ont été décrétées lois.
Le philosophe John Locke exposa la logique de cet argument dans une série de questions. Quelle était la source, demanda-t-il, de la loi positive, la loi qui était « avancée” ou décrétée. Réponse : la législature. Quelle était la source de la législature : Réponse : la constitution, parce qu’elle nous dit si nous avons une législature et combien de chambres elle comprend.
Mais alors quelle était la source de la constitution ? On devait la trouver, dit Locke, dans une source « précédant toutes les lois positives » et cette autorité dépendait entièrement du peuple, » de son droit naturel à être gouverné avec son propre consentement.
Abraham Lincoln le comprit, la république américaine ne commençait pas avec la Constitution. Ce que nous regardons aujourd’hui comme la Constitution est en fait notre seconde Constitution, celle de 1788. Le régime américain commença avec la Déclaration d’Indépendance, avec les « Lois de la Nature et le Dieu de la Nature, » avec le Créateur qui nous octroya certains droits naturels, « que l’on ne peut pas nous retirer. »
La tâche d’une Constitution consistait à organiser une structure pratique pour gouverner qui s’accorderait avec ces principes fondamentaux. Voilà pourquoi quelques-uns des Pères Fondateurs les plus éminents résistaient à l’idée d’ajouter une «Charte des droits ». La Constitution n’était pas la source de nos droits, et l’on s’inquiétait que la mention de certains droits fasse supposer que ceux qui n’étaient pas mentionnés avaient moins d’importance.
Et cette liste de droits encouragerait l’erreur que nous entendons communément quand les gens parlent de « ces droits dont nous jouissons grâce au Premier Amendement » – comme si sans le Premier Amendement et sans la Constitution, nous n’aurions pas ces droits.
La première génération d’hommes de loi américains du calibre de John Marshall et d’Alexandre Hamilton, persistaient à juger selon les axiomes de la loi qui n’avaient jamais été écrits dans le texte de la Constitution.
Une fois, Marshall fit remarquer que la Constitution ne donnait pas au Congrès le pouvoir de punir quoi que ce soit excepté la piraterie en haute mer. Mais le propre d’un gouvernement était le pouvoir de faire des lois, et comment les « lois » pouvaient-elles être des lois si on ne pouvait pas les mettre en vigueur et si les gens ne pouvaient pas être punis s’ils ne les observaient pas.
Je soulève cette question maintenant parce que dans les commentaires de l’article de Robert Royal la semaine dernière, un de nos lecteurs a fait une erreur extrêmement commune même parmi les Catholiques. Il s’est plaint que « les gens qui soutiennent la loi naturelle comme Arkes et [Robert] George…. croient que les juges devraient parfois faire respecter certaines valeurs implicites. »
C’est exactement ce que les hommes de droit au moment de la Fondation firent tout le temps lorsqu’ils se référaient aux « lois de la raison » qui sont à l’origine du droit. Comme l’a observé Daniel Robinson, le projet même de fonder un système de lois basées sur certains principes de droit fondamentaux n’est rien d’autre qu’un projet de la loi naturelle.
Un de mes bons amis, professeur dans une école de droit catholique, m’écrivit récemment qu’aucun juge de l’Article III sous la Constitution – c’est-à-dire un juge permanent – n’avait l’autorité d’invoquer la loi naturelle. Mais si c’était un principe clef pour lui, ce principe n’a été mis nulle part dans la Constitution. Sur quoi donc se base-t-il pour supposer qu’il est vrai et que nous sommes obligés de l’observer ?
D’une manière ou d’une autre, il s’appuyait sur la notion d’un principe profond qui ne dépendait pas de sa mention dans la Constitution pour être vrai. A tort ou à raison, il s’appuyait sur une version de la loi naturelle.
Les Catholiques savent maintenant grâce aux enseignements d’Aquinas, que nous connaissons la loi divine par la révélation, mais que nous connaissons la loi naturelle par la raison qui est « naturelle » aux êtres humains. On dirait que les Catholiques comme les non-catholiques sont toujours surpris que l’argument des Catholiques au sujet de l’avortement soit un mélange d’embryologie et de raisonnement moral.
On n’a pas besoin d’être catholique pour comprendre l’argument des Catholiques ici. Et l’autre vérité, encore vaguement comprise, est que la tradition de la loi naturelle et des vérités morales a trouvé son principal sanctuaire maintenant dans l’Eglise et les cercles catholiques, tandis que les courants de relativisme ont érodé les écoles de philosophie.
Le dimanche de Pâques, le 8 avril, après les offices avec le Frère Scalia à l’église St John the Beloved (St Jean l’aimé) à McLean, Virginie, je fais la connaissance d’un jeune avocat sympathique et de sa charmante famille. Quand il entend mon nom, il me dit que mes livres First Things and Natural Rights & the Right to Choose (Premières choses et droits naturels & Le droit de choisir) l’ont amené à l’Eglise.
J’avais entendu cette histoire avant, par d’anciens élèves qui étaient revenus à l’Eglise ou y avaient été attirés, avant même que j’y sois venu moi-même. Et, de nouveau, d’une manière merveilleuse, c’était la loi naturelle qui nous ramenait chez nous.
Hadley Arkes est titulaire de la chaire Edward N. Ney, comme professeur de jurisprudence à Amherst College (l’université de Amherst) et directeur du Centre de Claremont pour la jurisprudence de la loi naturelle à Washington, D.C. Son dernier livre est Constitutional Illusions & Anchoring Truths: The Touchstone of the Natural Law ( Illusions constitutionnelles et vérités ancrées : la pierre de touche de la loi naturelle.)
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-natural-law-and-an-easter-story.html