Le Figaro de samedi faisait sa une sur la littérature. Ce quotidien, on le sait bien, a une solide tradition littéraire, à laquelle il entend rester fidèle. Mais pour le coup, la littérature était un vrai sujet politique et il faut que le souci exprimé d’une menace sur la liberté d’écrire et de publier soit vraiment fondé pour qu’en une saison particulièrement tendue sur le plan national et surtout international, la rédaction ait choisi cette priorité-là. En deux mots, il y aurait menace du politiquement correct, de sa censure et même de sa dictature. Étienne de Montety explique dans l’éditorial que nous sommes menacés d’une contagion à l’américaine : « Dans les associations, et aux États-Unis dans des maisons d’édition, des esprits vétilleux travaillent à surveiller les arts et les lettres. Leurs ciseaux vertueux n’ont rien à envier aux censeurs de jadis. Ils traquent les romans sans égards pour le génie de leur auteur, scrutent les toiles des maîtres, auditionnent les opéras avec l’oreille d’un juge d’instruction. »
Certes, nous ne sommes pas encore à la censure opérée par des « lecteurs de sensibilité » américains qui sont chargés de traquer tout ce qui dans la production éditoriale est susceptible de choquer les différentes catégories de population. Cela peut faire penser à la traque des fausses nouvelles, à propos desquelles le gouvernement français cherche à légiférer, ce qui inquiète vivement les défenseurs de la liberté d’expression. Lorsqu’on s’en prend aujourd’hui à un écrivain comme Pierre Loti, on se demande qui va y passer demain. Pourquoi pas Voltaire dont, il est vrai, on a soigneusement expurgé certains ouvrages dans les récentes rééditions ? À ce compte, nous dit Teresa Cremisi, Houellebecq coche toutes les mauvaises cases. Il heurte toutes les sensibilités. Mais alors, à quoi bon pourra servir demain la littérature, dont une des principales mission est de nous révéler en vérité, et plus qu’aucune enquête sociologique, ce qu’il en est de nos mœurs, de l’évolution de nos mentalités ?
J’ai envie d’ajouter que ce n’est pas seulement la littérature qui est en cause. Ce pourrait être demain l’Écriture sainte elle-même, la Bible, dont certaines pages, certaines affirmations, certains interdits n’agréent pas aux sensibilités contemporaines. La menace est sérieuse, elle vise jusqu’à la liberté de conscience.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 juin 2018.
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